Le gouvernement fédéral est allé piger dans les rangs du Barreau pour nommer la troisième juge du Québec à la Cour suprême. Suzanne Côté, une avocate du cabinet Osler à Montréal, succédera au juge Louis LeBel sur le banc de la prestigieuse cour, a annoncé le premier ministre Stephen Harper jeudi matin.

« Le gouvernement du Québec a été consulté dans un esprit de collaboration et dans le respect des compétences de chacun. Les deux gouvernements reconnaissent que Mme Côté est hautement qualifiée pour cette position », a précisé bureau du premier ministre par voie de communiqué. Originaire de la Gaspésie, Me Côté est diplômée de l'Université Laval. Elle se spécialise dans le domaine du litige commercial. Elle a pratiqué à Gaspé avant de se joindre et de diriger les départements de litige des firmes Stikeman Elliott et Olser, à Montréal.

C'est la première fois dans l'histoire canadienne que le gouvernement fait son choix parmi les avocates en pratique privée. Seul cas semblable, Louise Arbour, agissait agissait au moment de sa nomination en 1999 comme procureure en chef du Tribunal pénal international pour le Rwanda et pour l'ex-Yougoslavie. Elle avait auparavant siégé à la Cour d'appel de l'Ontario. 

La nomination de Me Côté entrera en vigueur lundi. Le juge LeBel, qu'elle remplace, prendra sa retraite officiellement dimanche, jour de son 75e anniversaire et au terme d'un mandat de 15 ans à la Cour.

Pas de processus de sélection

Un avocat de la métropole qui a été consulté par le gouvernement dans le cadre du processus de sélection a qualifié l'annonce d'« excellente nomination ». « C'est sans doute l'une des avocates les plus renommées au Québec. Elle a plaidé plusieurs fois à la Cour suprême et elle a fait à peu près tous les plus gros litiges commerciaux à Montréal au cours des dernières années », a souligné ce juriste qui a requis l'anonymat.

Le grand public a pu voir Me Côté à l'oeuvre lors de la commission Bastarache sur le processus de sélection des juges du Québec, où elle représentait le gouvernement québécois de Jean Charest. Elle était chargée entre autres de contre-interroger l'ancien ministre de la Justice Marc Bellemarre.

Il s'agit de la deuxième nomination consécutive qui ne passe pas par le processus fédéral habituel pour siéger au plus haut tribunal du pays. Ce mécanisme créé en 2005 et qui se basait sur un examen des candidatures par des députés se réunissant à huis clos et en public, a été écarté dans la foulée de la nomination avortée de Marc Nadon.

Clément Gascon, un autre juge du Québec, a lui aussi été choisi en juin au terme ce processus de consultations informelles. « La décision du gouvernement a été prise au terme de consultations menées notamment auprès du gouvernement du Québec, de la juge en chef du Canada, du juge en chef du Québec, du juge en chef de la Cour supérieure du Québec, de l'Association du Barreau canadien et du Barreau du Québec », a précisé le bureau du premier ministre Harper.

Bien accueillie

Cette nomination a été bien accueillie par la juge en chef de la Cour suprême du Canada, Beverley McLachlin. « Me Côté est nommée directement des rangs du Barreau du Québec, après une carrière distinguée en tant qu'avocate », a déclaré la juge McLachlin. «Elle possède une expertise considérable en matière de droit civil et commercial, ainsi qu'une vaste expérience en droit public.  Je me réjouis de savoir que la Cour pourra bientôt profiter de son apport à ses travaux.»

La porte-parole de l'Opposition officielle en matière de justice, Françoise Boivin, a aussi salué le choix et le fait que le gouvernement a finalement nommé une femme parmi les trois sièges réservés à des juristes du Québec à la Cour.

La juge Marie Deschamps a été remplacée par Richard Wagner en 2012. L'autre juge du Québec, Clément Gascon, a succédé à Morris Fish.

« C'est une excellente nomination du fait que ce soit une femme, c'est une brillante avocate, [mais] ça ne répond pas à toutes les critiques sur le terrain concernant le processus », a déclaré la Mme Boivin.

« Prenons ce temps que nous avons avant la prochaine nomination à venir à la Cour suprême du Canada qui ne se fera pas avant quelques années selon les âges des juges en place pour tenter de trouver un processus qui enlèverait cet élément politique de la chose », a insisté la députée du NPD.

Parmi les neuf juges actuels de la Cour suprême, Marshall Rothstein est le prochain qui atteindra l'âge obligatoire de la retraite. Il aura 75 ans dans un peu plus d'un an, le 25 décembre 2015.

Stephen Harper a maintenant nommé sept des neuf juges de la Cour.

Suzanne Côté est la conjointe de l'ancien bâtonnier Gérald R. Tremblay, lui aussi un avocat réputé au sein du cabinet McCarthy Tétrault à Montréal.