Un policier de la Sûreté du Québec (SQ) se trouve dans l'embarras après avoir dégainé son arme à feu et mis en joue un adolescent inoffensif à l'issue d'une courte poursuite à pied. Un juge de la Cour du Québec a même ordonné l'arrêt du processus judiciaire contre le garçon, accusé de possession de cannabis en vue d'en faire le trafic, à cause du comportement du policier Alain Lemieux.

«Honnêtement, ce récit donne froid dans le dos», écrit le juge Mario Gervais, sortant de la réserve qu'observent d'habitude les magistrats. «C'est un geste qui dépasse tout entendement que de mettre l'adolescent en joue avec l'arme à feu.»

L'histoire remonte au soir du 2 août 2011. En patrouille à Saint-Rémi, en Montrérégie, les agents Alain Lemieux et Bruno Lefebvre aperçoivent quatre adolescents, trois filles et un garçon, dans le stationnement d'un casse-croûte. Pendant qu'ils s'approchent d'eux à pied, l'un des garçons «remet prestement divers objets dans son sac à dos, puis s'enfuit», selon le récit des policiers cité par le juge.

Une poursuite s'engage. Pendant que l'adolescent court, l'agent Alain Lemieux monte dans la voiture d'un citoyen qui accepte de l'assister. «Rapidement, le témoin est rejoint», écrit le juge. C'est à ce moment que le policier dégaine son arme. Dans son témoignage, Alain Lemieux dit qu'il avait perdu de vue la main droite de l'adolescent, ce qui l'a inquiété. La situation a duré jusqu'à ce que l'agent Bruno Lefebvre arrive et menotte l'adolescent.

M. Lemieux a alors rengainé son arme.

Selon le juge, il n'existait aucun «danger imminent» pour le policier avant que l'adolescent soit menotté. Une fois son collègue arrivé, «le danger pour la sécurité de l'agent Lemieux est inexistant. L'adolescent est complètement démuni et vulnérable. Pourquoi persiste-t-il à garder l'adolescent en joue avec son arme à feu tout ce temps?», écrit le juge.

Le magistrat souligne que le jeune homme était à bout de souffle après avoir couru et qu'il «ne démontrait aucune agressivité». En outre, il faisait dos aux policiers et s'est agenouillé à l'arrivée de l'agent Lefebvre. Ce n'est qu'après la fouille du sac que des accusations de possession de drogue en vue d'en faire le trafic se sont ajoutées. Il avait notamment deux balances électroniques et des «matières végétales» sur lui, écrit le juge.

L'adolescent a été libéré des accusations parce que son arrestation constitue une «violation flagrante, grave, inconsidérée et dangereuse du droit à la liberté et à la sécurité», selon le magistrat. À cause de son âge, l'adolescent n'est pas nommé dans le jugement.