Un vidéoclip insultant des morts, des tensions dans la rue et plusieurs provocations sur les réseaux sociaux pourraient avoir mené au meurtre d’un homme de 29 ans survenu mercredi à Laval. La victime était reliée à un gang de rue impliqué dans plusieurs conflits, selon les autorités.

Frédérick Michel a été retrouvé inconscient dans le stationnement d’un gym situé sur la voie de desserte de l’autoroute Jean-Noël-Lavoie (autoroute 440). L’homme de 29 ans se trouvait près de son véhicule quand il a été abattu, peu avant minuit. Le blessé a été transporté à l’hôpital, où son décès a été constaté.

Surnommée Boolin, la victime était connue des services de police et avait plusieurs antécédents judiciaires. Elle serait, selon nos sources policières, associée à un gang de rue du secteur de Saint-François. Il s’agit du 24 Gang, allié des Flamehead Boys (FHB) de Laval-des-Rapides. Ces deux gangs de rue lavallois sont reliés à plusieurs fusillades survenues dans les trois dernières années. Ils sont partie prenante de plusieurs conflits ayant généré une vague de violence armée ces dernières années à Montréal et à Laval.

Un vidéoclip ayant mis le feu aux poudres est l’une des hypothèses étudiées par les enquêteurs pour expliquer ce meurtre survenu mercredi peu avant minuit, confirment nos sources.

Une voiture incendiée a été retrouvée sur l’avenue Jean-Bourdon à quelques kilomètres du meurtre, dans l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville, à Montréal. Selon nos informations, il pourrait s’agir du véhicule conduit par le ou les tireurs. « On ne peut confirmer pour le moment s’il y a un lien avec l’évènement de Laval », a indiqué l’agente relationniste de la SQ, Maïté Bolduc.

Des morts insultés

L’auteur du vidéoclip en question lancé sur YouTube le 31 mars dernier est un rappeur émergent jouissant d’une certaine popularité. Certaines de ses vidéos ont accumulé jusqu’à 100 000 visionnements. Il est connu pour ses morceaux de drill rap, sous-genre musical du hip-hop. Il est également considéré par la police comme un membre du gang de rue lavallois 24 Gang, associé au quartier Saint-François.

Sa chanson qualifiée de violente par plusieurs rappeurs a été retirée par l’interprète lui-même au lendemain de sa diffusion. Dans une courte entrevue vidéo, il expliquait avoir reçu plusieurs menaces et commentaires désapprobateurs et souhaiter donner un meilleur exemple aux jeunes.

Le mal était déjà fait : il insultait dans sa chanson plusieurs personnes ayant perdu la vie au terme de différents conflits entre gangs, selon nos sources criminelles. Le morceau comportait des références narquoises aux assassinats de Justice Owusu Tajudeen (Steady), Gordy Jean-Paul (Young Dev), Duckerns Pierre Clermont (Jeune Loup), Chayanne O’Neil Peralta Garcia (Chacha) et Nitchell Lapaix (Crank).

Au sein du milieu interlope, on reprochait au musicien et criminel de s’approprier des meurtres avec lesquels il n’avait parfois rien à voir et à la fois de se moquer d’homicides auxquels son gang serait relié.

Plusieurs comptes anonymes avaient vilipendé le rappeur sur YouTube. D’autres internautes, au contraire, l’encourageaient, comme en témoigne une capture d’écran prise par La Presse au moment de la diffusion. Ces provocations sur les réseaux sociaux sont susceptibles d’avoir mis de l’huile sur le feu, croient nos sources.

CAPTURE D’ÉCRAN PRISE PAR LA PRESSE LE 31 MARS 2024

Une violente provocation d’un internaute anonyme dans la section commentaire du vidéoclip fait notamment référence aux meurtres de Stéphane Risler Achille et de Junior Lemoyne Printemps.

Le meurtre de Frédérick Michel, un ami de ce rappeur, pourrait être une riposte au vidéoclip, pensent nos sources policières. Il serait la plus récente victime d’une dispute entre gangs qui aurait atteint un point culminant entre 2020 et 2022.

Plusieurs individus présumément liés au 24 Gang et aux FHB sont morts dans les dernières années : Widny St-Vil (Tree), Stéphane Risler Achille (Sofly) et Junior Lemoyne Printemps. Ce dernier, un membre de la famille de deux hommes associés aux FHB, est considéré par la police comme une victime collatérale.

Nombreuses alliances, multiples conflits

C’est la Sûreté du Québec (SQ) qui a pris en charge l’enquête sur la mort de Frédérick Michel, qui s’annonce complexe dans un contexte de tensions entre groupes criminels où les alliances pullulent.

L’affiliation FHB et 24 Gang s’est retrouvée partie prenante de plusieurs conflits, dont une sanglante querelle avec un gang de rue lavallois d’allégeance bleue. Ce gang n’a pas de nom officiel, mais la police l’identifie par l’acronyme 2DIE4, qui signifierait 24 et « DIE ».

Une violente rivalité entre FHB/24 Gang et les gangs de rue de Villeray, Pie-IX, Chomedey et différents membres de gangs du centre-ville et même de Montréal-Nord s’est développée au fil du temps.

Les FHB et les 24 Gang sont aussi associés, selon la police, aux gangs de Rivière-des-Prairies et de Saint-Léonard.

Avec Daniel Renaud, La Presse