Le Conseil de la magistrature du Québec refuse d’abandonner le combat pour l’exigence du bilinguisme chez les juges. Une rebuffade à son président, le nouveau juge en chef de la Cour du Québec, qui vient pourtant de s’entendre avec Québec pour mettre fin au litige. Le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, dénonce « l’entêtement » du Conseil.

« Il s’agit d’un dossier réglé. Le Conseil de la magistrature doit se raviser », a réagi le cabinet du ministre de la Justice.

On croyait en effet le conflit sur l’exigence du bilinguisme chez les juges terminé jeudi dernier lorsque le ministre Jolin-Barrette et le juge en chef Henri Richard ont annoncé une entente pour mettre fin à ce litige. La Cour du Québec se battait devant les tribunaux pour défendre son droit d’exiger des juges bilingues dans certains districts, une question d’indépendance judiciaire.

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En vertu de l’entente conclue la semaine dernière, Québec peut maintenant nommer des juges unilingues francophones pratiquement partout dans la province. Un système de ratio de juges bilingues est mis en place. Par exemple, 90 % des juges de Montréal ou de Laval devront maîtriser l’anglais.

Or, cette entente ne passe pas au Conseil de la magistrature du Québec, qui refuse de se désister du recours civil intenté conjointement avec la Cour du Québec. Le Conseil poursuit donc sa croisade pour faire invalider les dispositions relatives à la sélection des juges de la Cour du Québec et des cours municipales.

Cette position du Conseil de la magistrature est étonnante puisque le juge en chef de la Cour du Québec, Henri Richard, est de facto le président de l’organisme. Nommé par Québec, le nouveau juge en chef est entré en poste à la fin d’octobre en remplacement de Lucie Rondeau, en conflit ouvert avec le ministre de la Justice depuis des années.

« Entêtement »

Au cabinet du ministre Jolin-Barrette, cette décision du Conseil de la magistrature est accueillie très froidement.

« L’entêtement du Conseil de la magistrature à faire de la maîtrise de la langue anglaise une exigence systématique pour accéder à la fonction de juge ne sert personne », a-t-on soutenu à La Presse.

Cette procédure a déjà coûté des millions de dollars aux contribuables québécois et il est temps d’y mettre fin, ce que prévoit l’entente conclue entre le ministre de la Justice et le juge en chef de la Cour du Québec.

Lecabinet du ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette

Selon le Conseil de la magistrature, l’entente ne résout pas « pleinement » les enjeux d’indépendance judiciaire et de séparation de pouvoir au cœur du litige. De plus, l’entente ne prévoit aucune modification des dispositions constitutionnellement contestées, estime le Conseil.

« Les questions constitutionnelles soulevées par le recours méritent d’être débattues et tranchées, puisque le public a le droit d’avoir accès à des Cours de justice dont l’indépendance institutionnelle est protégée des autres pouvoirs de l’État et ne peut être remise en question », indique le Conseil de la magistrature dans un communiqué publié vendredi dernier.

Le ministre Jolin-Barrette est à couteaux tirés avec le Conseil de la magistrature depuis longtemps. Le printemps dernier, le ministre de la Justice a réformé le mode de financement du Conseil afin que les crédits de l’organisme soient votés annuellement au lieu de profiter d’un budget discrétionnaire.

Le ministre digérait mal que le Conseil – qui s’occupe de la formation et de la discipline des juges – dépense des millions de dollars pour des litiges contre le gouvernement, notamment dans le dossier du bilinguisme.

Le Conseil de la magistrature est dirigé par le juge en chef de la Cour du Québec, Henri Richard. Le vice-président du Conseil est le juge en chef associé de la Cour du Québec, Scott Hughes, en poste depuis 2017. Quatorze personnes sont aussi membres du Conseil, dont des juges, des avocats et des membres du public. Elles sont nommées par le gouvernement pour des mandats de trois ans.