À la veille d’une veillée à la chandelle à la mémoire de l’étudiant guinéen abattu mardi dernier par des policiers du Service de police de Saguenay, des représentants de la communauté se sont inquiétés que l’évènement décourage les étudiants internationaux de choisir le Québec.

« Ce qui nous préoccupe, c’est que beaucoup d’étudiants risquent d’être craintifs et de voir cet évènement comme étant problématique », s’inquiète Dominique Kpoghomou, représentant des Guinéens d’Amérique auprès du Conseil national de transition, l’organe législatif du pays d’Afrique de l’Ouest.

Le 28 novembre, un homme d’origine guinéenne étudiant à l’Université du Québec à Chicoutimi est mort à la suite d’une intervention des forces de l’ordre. D’après le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), chargé de faire la lumière sur cet évènement, l’homme – Mamadou Saliou Baldé, selon des informations obtenues par La Presse – se serait avancé vers les policiers armé d’un couteau.

L’un des agents aurait tenté sans succès d’utiliser une arme à impulsion électrique (pistolet Taser) pour maîtriser le suspect. L’un des policiers aurait alors ouvert le feu en direction de l’assaillant, dont la mort a été constatée sur place.

La police aurait été appelée à intervenir après qu’une dispute a éclaté entre M. Saliou Baldé et l’un de ses colocataires.

Depuis l’évènement, M. Kpoghomou affirme avoir été contacté par des parents inquiets. Il espère que le Canada et le Québec, des « endroits accueillants », ne perdront pas la cote auprès des étudiants de son pays et d’Afrique de l’Ouest.

« Inquiétant »

Une vidéo tournée par des résidants du secteur montre l’intervention, et on y aperçoit le suspect torse nu, malgré le temps froid.

De l’avis de Stéphane Wall, spécialiste en usage judicieux de la force, il faut toutefois faire preuve de retenue quand de telles vidéos font surface. « Ça ne montre qu’une partie de l’intervention. On ne sait pas ce qui s’est passé avant », dit-il. Les policiers doivent tenter une désescalade, mais « on n’entend pas ce qui se dit, et ça se passe très rapidement ».

À première vue, « le comportement du jeune homme semble condamnable », constate quant à lui M. Kpoghomou. « Mais qu’il n’y ait pas d’autres solutions que de tuer la personne ? C’est ça qui est inquiétant, et qui risque d’inquiéter les étudiants internationaux. »

L’avocat criminaliste Pierre Brunelle abonde lui aussi en ce sens. Il a été mis au fait de l’évènement par des membres de la communauté guinéenne, et s’interroge à savoir pourquoi les policiers n’ont pas tenté de neutraliser le suspect par d’autres moyens. « Je ne comprends pas que les policiers ne visent pas une jambe, par exemple. Ça semble être une question de bon sens ! »

« C’est très difficile d’atteindre une jambe en mouvement », soutient pour sa part Stéphane Wall. Il invoque à cet effet la « règle des 21 pieds », qui stipule qu’un individu armé s’élançant vers un policier à une distance inférieure à 21 pieds (6,4 mètres) risque fort de l’atteindre. « Quand la distance diminue, ce qu’on enseigne aux policiers, c’est un tir dans le centre-masse. »

En raison du temps nécessaire au policier pour dégainer son arme et faire feu, il serait « risqué » de tirer ailleurs que dans cette zone délimitée par les épaules et le bas du bassin.

Une vigie à la mémoire de Mamadou Saliou Baldé est prévue samedi soir, rue des Hospitalières, à Chicoutimi, à l’endroit même où ce dernier est mort. Marcellin Gbazai, organisateur de l’évènement, souhaite ainsi rassurer les gens de la « communauté immigrante ». « Ils sont inquiets, ils ont peur », a-t-il affirmé en entrevue avec Le Quotidien.