Policiers tués en devoir, hausse de la violence armée, discrimination et interceptions aléatoires, santé mentale et toxicomanie, complexité des enquêtes, gestion de la preuve et délais devant les tribunaux… Les directeurs de police du Québec pressent les gouvernements d’adopter rapidement des mesures pour améliorer la sécurité de la population et le système de justice au Québec et au Canada.

Ce qu’il faut savoir

  • Huit policiers ont été tués en service au Canada depuis septembre.
  • Les récidivistes violents, l’escalade des crimes avec arme à feu, la violence exacerbée par les troubles de santé mentale ou la toxicomanie et les problèmes du système de justice préoccupent les directeurs de police du Québec.
  • Réunis en assemblée générale et en colloque, ils demandent aux gouvernements de redresser la barre sur plusieurs fronts.

« Huit policiers sont morts en service au Canada depuis septembre, c’est presque un par mois, c’est inacceptable. Jamais le Canada n’a connu une telle violence envers ceux et celles qui sont là pour protéger les citoyens », déplore Pierre Brochet, président de l’Association des directeurs de police du Québec (ADPQ) et directeur du Service de police de Laval.

Réunis durant deux jours en colloque cette semaine, et en assemblée générale la semaine dernière, les directeurs de police du Québec ont adopté une série de recommandations destinées aux gouvernements fédéral et provincial.

Maureen Breau, cette policière de la Sûreté du Québec tuée dans l’exercice de ses fonctions en mars à Louiseville, a été attaquée par un récidiviste violent à qui la Commission d’examen des troubles mentaux (CETM) avait permis de retourner chez lui.

L’ADPQ demande donc à Ottawa de changer le statut des récidivistes violents pour que ce soit eux – et non la poursuite – qui aient le fardeau de démontrer devant les tribunaux qu’ils ne sont pas dangereux pour la société.

Elle réclame également de Québec qu’il révise les critères de mise en liberté de la CETM.

L’Association demande en outre aux gouvernements d’investir en santé mentale et de permettre aux policiers d’avoir accès au dossier des récidivistes violents pour que les agents soient mieux préparés dans ce type d’intervention.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Pierre Brochet, président de l’Association des directeurs de police du Québec et directeur du Service de police de Laval

« Le projet de loi C-75 [sur les libérations provisoires] permet de plus en plus de liberté aux récidivistes dans un esprit de justice sociale. Bien que la base de ce raisonnement soit bonne, l’ADPQ croit que certains individus profitent du système et commettent l’irréparable par la suite », affirme M. Brochet.

Des interpellations nécessaires

Alors que les interpellations aléatoires en vertu du Code de la sécurité routière sont dénoncées comme discriminatoires ou racistes et qu’elles ont été invalidées par un jugement de la Cour supérieure l’automne dernier, l’ADPQ publie des chiffres pour démontrer leur utilité pour la protection du public.

En 2022, au moins 3500 conducteurs ont été arrêtés sans permis de conduire, 1064 avec les facultés affaiblies et 1581 avec un véhicule non assuré ou non immatriculé, selon des chiffres qui émanent de différents corps de police et qui ne sont pas complets.

À Laval, une arme saisie sur deux l’a été à la suite d’une interception de véhicule, qui n’était toutefois pas aléatoire dans tous les cas.

L’ADPQ demande à la Sûreté du Québec de créer et de tenir un registre de toutes les interceptions aléatoires (en vertu de l’article 636 du Code de la sécurité routière) réalisées dans la province.

Elle réclame également du gouvernement Legault qu’il annonce sa décision concernant l’implantation des caméras portatives dans six mois au plus tard, qu’il lance un forum sur le profilage racial et qu’il adopte une politique sur les interceptions aléatoires des véhicules dans la province.

Elle lui suggère, « s’il le désire », par le truchement de la Société de l’assurance automobile du Québec, d’effectuer la cueillette d’information sur l’ethnicité des conducteurs.

Enfin, toujours au sujet du profilage racial, les directeurs de police demandent à l’École nationale de police du Québec d’offrir une formation continue sur les devoirs et les pouvoirs des policiers dans un contexte de diversité sociale et raciale.

Une solution « boiteuse » et des mesures fortes pour la justice

Pour réduire la surreprésentation des détenus autochtones et issus des minorités visibles dans les prisons, Ottawa a adopté la loi C-5 qui modifie les peines minimales pour certains crimes, « une solution un peu boiteuse », estime Pierre Brochet.

On devrait plutôt s’attaquer à des problèmes de société profonds. Ce n’est pas la bonne solution actuellement et on voit la montée de la violence.

Pierre Brochet, président de l’Association des directeurs de police du Québec et directeur du Service de police de Laval

« Tous ces projets de loi sont basés sur les notions de discrimination et de racisme. On comprend qu’il faut faire quelque chose, mais ce qu’on dit, c’est qu’on est peut-être allé un peu trop loin », ajoute-t-il.

Quant à la complexité des enquêtes policières, la gestion de la preuve et les délais devant les tribunaux, l’ADPQ demande à Québec de prendre des mesures « adéquates et fortes » pour lutter contre la pénurie de main-d’œuvre dans l’administration de la justice, de faire l’inventaire des causes qui font l’objet d’une remise, de revoir les dispositions de gestion de la preuve « avec un regard moderne et réaliste », et de prolonger les délais de rétention de la preuve au-delà de la période de trois mois.

« La police et tous les organismes d’application de la loi ont les mêmes défis, et tous les acteurs s’entendent pour dire que les causes premières des retards sont l’augmentation importante du volume de preuve, causée notamment par l’usage généralisé des technologies de l’information, et l’évolution jurisprudentielle qui a systématiquement favorisé une plus grande divulgation de la preuve au bénéfice des accusés, afin notamment de leur garantir une défense pleine et entière », résume le directeur général de l’ADPQ, Didier Deramond.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapressse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.