(Montréal) Le Service de police de l’agglomération de Longueuil (SPAL) a confirmé lundi avoir identifié un suspect dans un dossier de meurtre non résolu d’une adolescente montréalaise il y a près de 50 ans.

Les preuves d’ADN qui ont fait surface en juin ont conduit des enquêteurs à soupçonner Franklin Maywood Romine du viol et du meurtre de Sharron Prior, âgée de 16 ans, en 1975. Le corps de Romine, décédé en 1982 à l’âge de 36 ans, a été exhumé d’un cimetière de Virginie-Occidentale la semaine dernière.

Des tests d’ADN sont en cours sur la dépouille, a indiqué le sergent Francis Charette du SPAL. Ils doivent permettre d’établir s’il y a une concordance entre l’ADN qui a été récupéré en 1975 et ce qui a été retrouvé avec l’exhumation du corps de Romine.

Le suspect a été identifié grâce à de nouvelles techniques d’enquête, a mentionné le sergent Charette. Les enquêteurs ont pu ensuite confirmer que l’homme était présent à Montréal au moment où Sharron Prior a été violée et assassinée.

« M. Romine habitait également à proximité des lieux de l’enlèvement et avait la connaissance du lieu où le corps de Mme Prior a été découvert suite au meurtre », a affirmé le sergent Charette en entrevue à La Presse Canadienne.

« Nous avons également été capables d’établir que M. Romine avait de lourds antécédents criminels, que ce soit des crimes violents et même également des agressions sexuelles qui lui avaient été reprochées », a-t-il ajouté.

Qui plus est, M. Romine – décédé à Montréal mais enterré dans son pays d’origine – avait une description physique qui correspondait à celle donnée par les témoins des évènements en 1975.

Témoignage d’un enquêteur

La victime avait quitté son domicile dans le quartier Pointe-Saint-Charles dans le sud-ouest de Montréal le soir du 29 mars 1975. Elle se rendait voir des amis dans une pizzeria près de chez elle, mais n’est jamais arrivée à destination. Trois jours plus tard, son corps a été retrouvé dans un boisé à Longueuil.

Le détective du SPAL Eric Racicot a déclaré à un tribunal de Virginie-Occidentale le mois dernier – alors que la police demandait une ordonnance du tribunal lui permettant d’exhumer le corps de Romine – que le pantalon de Sharron Prior avait été enlevé et qu’elle avait été agressée sexuellement.

« Elle est morte de nombreuses fractures faciales et d’étranglement, donc en d’autres termes, elle a été brutalement battue à mort », a-t-il décrit lors d’un témoignage par vidéoconférence, qui a été mis en ligne par la chaîne de télévision de Virginie-Occidentale WCHS.

« Je pense que c’est un euphémisme de dire que la famille de la victime a été dévastée », a ajouté le détective Racicot.

Il a noté que la mère de Sharron, Yvonne, est toujours en vie et a maintenant 85 ans. « Elle a passé toute sa vie à essayer de trouver l’assassin de sa fille. C’est pourquoi nous n’avons jamais abandonné au fil des ans, a-t-il soutenu. Bien sûr, la mère de Sharron veut savoir une fois pour toutes qui a tué sa fille. »

Il a mentionné que l’ADN avait été prélevé sur les vêtements de l’adolescente et sur une chemise utilisée pour la retenir. En juin dernier, l’enquêteur du SPAL a comparé cet ADN à une base de données contenant des milliers de profils identifiés par leurs noms de famille. Cette base de données a conduit la police au nom de famille de Romine.

M. Racicot a déclaré que Romine correspondait également à la description d’un homme qui avait tenté de kidnapper une autre femme sous la menace d’un couteau peu de temps avant la disparition de Sharron Prior. Cette tentative d’enlèvement a eu lieu le long de la même rue que l’adolescente aurait empruntée pour se rendre à la pizzeria.

Romine, dont le casier judiciaire remonte à son enfance, était en fuite en Virginie-Occidentale au moment de la mort de Sharron. En liberté conditionnelle depuis 1973, il faisait face à de nouvelles accusations d’effraction et de viol. Il s’est réfugié à Montréal, une ville qu’il avait déjà visitée au moins deux fois, selon le détective Racicot.

Environ sept mois après le meurtre de Sharron Prior, Romine a été arrêté par la police de Montréal et extradé vers les États-Unis. Mais en 1982, il était de retour dans la ville. Le détective Racicot a déclaré qu’il n’avait pu trouver aucun dossier lié à la mort de Romine.

Des échantillons d’ADN de la famille Romine

Des documents déposés par le procureur Mark A. Sorsaia dans le comté de Putnam en Virginie-Occidentale montrent que deux des frères de Romine ont volontairement donné des échantillons d’ADN à la police. L’un d’eux a raconté aux enquêteurs que son frère avait tenté de violer sa femme.

« Il l’a probablement fait », a-t-il répondu lorsque les enquêteurs ont fait part de leurs soupçons selon lesquels son frère avait tué Sharron Prior, selon le document judiciaire. M. Sorsaia a écrit que l’analyse « indiquait fortement » que l’ADN trouvé sur les lieux du crime était lié à la famille Romine.

« Les résultats ont montré qu’il est 140 millions de fois plus susceptible de provenir du frère de Noah et Michael Romine que de toute autre personne au hasard dans la population caucasienne », a écrit M. Sorsaia.

Les deux sœurs et les deux frères de Romine se sont opposés à l’exhumation de leur frère, affirmant que selon leurs croyances religieuses, déranger le corps d’une personne est un sacrilège. Cependant, le juge Phillip M. Stowers a décidé le 20 avril que l’exhumation pouvait avoir lieu.

La police de Longueuil s’est rendue en Virginie-Occidentale pour l’exhumation.

Les analyses d’ADN en laboratoire de sciences médico-légales, à Montréal, prendront au moins deux semaines avant que l’on connaisse les résultats, a précisé le sergent Charette. Le SPAL prévoit rendre publiques les conclusions des tests une fois qu’elles seront connues.

Marc Bellemare, un avocat de la famille Prior, s’est dit surpris d’apprendre l’identité du nouveau suspect, car Romine ne faisait pas partie des plus de 100 personnes qui avaient fait l’objet d’une enquête policière depuis la mort de Sharron.

Me Bellemare a déclaré qu’il n’avait pas parlé à la famille Prior du nouveau suspect. Cependant, il a indiqué qu’il travaillait avec de nombreux proches de personnes qui ont disparu ou qui ont été assassinées, et que « c’est un grand réconfort d’avoir des informations supplémentaires, et nous l’avons ici ».