(Québec) Le Québec pourra ajouter une flèche au carquois de ses compétences au sein de la Confédération canadienne : la Cour suprême vient de conclure qu’il a le droit d’interdire à ses citoyens de cultiver des plants de cannabis à la maison, comme il le fait déjà.

Le Québécois Janick Murray-Hall avait saisi le plus haut tribunal du pays. Selon lui, la décision de Québec d’interdire la culture de quelques plants de cannabis à la maison, comme le permettent Ottawa et la grande majorité des provinces canadiennes, était inconstitutionnelle.

« L’approche fédérale dite plus “permissive” et l’approche québécoise dite plus “restrictive” peuvent coexister sur le plan juridique au sein de la fédération canadienne », tranche le juge en chef Richard Wagner, dans une décision unanime rendue vendredi matin.

Ce jugement a refroidi de nombreux militants en faveur d’une approche plus permissive du Québec en matière de cannabis.

« Je suis déçu. Ça confirme que le Québec reste la province la plus restrictive en matière de cannabis. Je trouve qu’on fait assez rétrograde comme société. Le reste du Canada semble plus progressiste », a dit en entrevue le fondateur du Bloc Pot, Marc-Boris Saint-Maurice.

La Presse a sollicité un commentaire auprès du cabinet du ministre de la Justice, qui nous a dirigé vers un message publié par Simon Jolin-Barrette sur Twitter.

La Loi encadrant le cannabis vise à protéger la santé et la sécurité des Québécois, en particulier celles de nos jeunes. Nous sommes satisfaits du jugement de la Cour suprême confirmant la pleine capacité d’agir du Québec en la matière. Le Québec défendra toujours ses compétences.

Simon Jolin-Barrette, ministre québécois de la Justice, sur Twitter

La Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ) a aussi salué le jugement, qui aura « un impact majeur pour la préservation du parc locatif ». La CORPIQ dit notamment craindre « l’humidité qui génère possiblement de l’insalubrité dans les logements ».

Le Québec est dans son droit

Rappelons qu’en 2018, Ottawa a adopté la Loi sur le cannabis, qui décriminalise l’usage récréatif du cannabis et permet la culture d’au plus quatre plants à la maison, pour un usage récréatif.

Le gouvernement du Québec, tout comme celui du Manitoba, a alors décidé d’interdire carrément la culture de plants à domicile. Les Québécois n’ont donc pas le droit de faire pousser du pot chez eux, contrairement par exemple à leurs voisins ontariens, qui ont le droit de cultiver jusqu’à quatre plants par adresse.

M. Murray-Hall faisait valoir que le Québec se mêlait d’une compétence fédérale, soit de droit criminel. La Cour supérieure lui a d’abord donné raison, puis la Cour d’appel a tranché en faveur de Québec.

La Cour suprême donne finalement raison à Québec. L’interdiction de la culture à domicile ne relève pas du droit criminel. Elle contribue « à assurer l’efficacité du monopole étatique et ainsi à protéger la santé et la sécurité du public ».

Or, la santé est une compétence partagée, note la Cour suprême, et Québec est dans son droit.

Le plus haut tribunal du pays rappelle qu’Ottawa visait avant tout, avec sa loi de 2018, à lutter contre le crime organisé. Or, l’approche « restrictive » de Québec – avec son monopole étatique, l’interdiction d’acheter du cannabis avant 21 ans ou encore l’interdiction de la culture à domicile – n’est pas en contradiction avec l’objectif fédéral de lutte contre le crime organisé.

« Les objectifs de santé et de sécurité publiques poursuivis par la loi provinciale et ses interdictions sont, dans une large mesure, en harmonie avec les objectifs visés par la loi fédérale, et il n’y a pas lieu de conclure à l’existence d’un conflit », peut-on lire dans le jugement.

L’avocat de Janick Murray-Hall s’est dit déçu de la décision, mais constate que c’est la fin d’un long processus judiciaire.

« C’est une décision finale, du plus haut tribunal au pays, note MMaxime Guérin. Alors on s’en remet bien entendu à la Cour suprême. Maintenant, ceux qui veulent changer la loi québécoise devront s’en remettre à une lutte politique, du bon vieux militantisme. »

Les Québécois pris avec des plants de cannabis à la maison sont passibles d’amendes de 250 $ à 750 $, selon la loi.