« Qui sera le prochain ? » Des policiers dénoncent le manque de surveillance entourant les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale qui ont un haut niveau de dangerosité. Un colloque s’est tenu mercredi sous le signe de l’émotion, après la mort de la sergente Maureen Breau, lundi à Louiseville.

« Des évènements comme ça, on ressent l’impact pour tout le monde. Maintenant, les policiers vont se poser une question tous les jours : qui sera le prochain ? », a lancé le président l’Association des policières et policiers provinciaux du Québec (APPQ), Jacques Painchaud, en entrevue avec La Presse, en marge du 15colloque du Cercle des représentants de la défense des policiers (CRDP) à Brossard.

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Jacques Painchaud, président l’Association des policières et policiers provinciaux du Québec

Il soutient que des policiers ont parfois du mal à « s’expliquer comment » certaines personnes avec un « haut niveau de dangerosité » se retrouvent régulièrement en liberté « avec si peu de contrôle, et si peu de suivi ». « On a besoin de sentir que les services de santé, les CIUSSS et les autorités sont au rendez-vous pour faire un arrimage correct avec la personne, qui est souvent non criminalisée », poursuit M. Painchaud.

Selon des données préliminaires du Projet de recherche sur les interventions post-trauma dans les organisations policières (RIPTOP), dévoilées au colloque mercredi, environ 75 % des policiers feraient face à des évènements traumatisants dans leur travail. En 2017, ce chiffre était d’environ 50 %.

M. Painchaud rappelle d’ailleurs que la plupart des interventions policières auprès de personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale se déroulent bien. « On n’en entend pas parler, mais pour les policiers, l’anxiété et le stress s’accumulent. Quand une situation comme celle qu’on vit arrive, on fait en quelque sorte un bilan. Et on se dit qu’on aurait tous pu vivre la même chose », poursuit le leader syndical.

Plusieurs « lacunes » entourant le travail des policiers demeurent, selon lui, dans ce genre de situation. « Comment se fait-il, par exemple, que pas assez de gens soient formés pour ces situations ? La réalité régionale fait aussi que le back-up n’est souvent pas rapide ou parfois inexistant. Ce sont des éléments dont il faut discuter », plaide-t-il.

Exit le « travail en silo »

À la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec (FPMQ), le président François Lemay abonde en ce sens. « La santé mentale, c’était déjà en explosion en 2019. La pandémie a juste exacerbé la situation, mais on n’a pas vu grand changement depuis. Il faut qu’on arrête de travailler en silo en matière de santé mentale. Je le dis depuis trois ans », martèle-t-il.

« Ça arrive que nos policiers rentrent trois fois le même individu à l’urgence », insiste aussi M. Lemay, qui affirme que le milieu politique doit aussi répondre du phénomène, et trouver des solutions pour augmenter la sécurité des policiers.

Pour lui, le phénomène devrait être préoccupant pour tout le monde. « Ça revient aussi à dire qu’il faut prendre soin des citoyens. Monsieur et madame Tout-le-Monde, ils ne se sentent pas nécessairement en sécurité quand on relâche quelqu’un qui a des problèmes de santé mentale sans vraiment de suivi, et qu’on le renvoie avec ses voisins. »

Aussi sur place mercredi, le président de l’Association canadienne de la police (ACP), Tom Stamatakis, a parlé d’une « année difficile » pour les policiers partout au pays, huit d’entre eux ayant été tués dans le cadre de leur travail. « C’est quelque chose de très exceptionnel, auquel nous ne sommes pas habitués. On doit tout faire pour éviter que ça devienne la norme au Canada. Il y a beaucoup de travail », a-t-il dit.

Mardi, La Presse rapportait que l’homme suspecté d’avoir tué la sergente de la Sûreté du Québec Maureen Breau lors d’une banale opération, lundi soir à Louiseville, en Mauricie, possédait des antécédents criminels et de santé mentale et représentait « un risque important » pour la sécurité du public, ce qui ne l’empêchait pas d’être en liberté sous de sévères conditions.

Isaac Brouillard Lessard, 35 ans, a fait l’objet de cinq verdicts de non-culpabilité pour cause de troubles mentaux depuis 2014 pour des voies de fait armées et des menaces de mort, entre autres, à l’endroit de membres du personnel soignant chargé de ses traitements.