Une Budweiser dans le porte-gobelet, une caisse de 12 à portée de main, des messages textes et des appels à gogo : un chauffard qui roulait soûl, à grande vitesse et scotché à son cellulaire a reconnu avoir tué deux parents « parfaits » il y a six ans. Une « interminable » saga judiciaire qui a éprouvé les proches des victimes.

« C’est un soulagement, c’est sûr. Mais ça a été tellement long : six ans et demi d’attente. J’ai perdu foi en la justice. Pour la famille, c’est épouvantable. Ça ne nous permet jamais de tourner la page », confie Éloise Fortin, qui a perdu sa sœur Émilie, une femme « souriante, heureuse et généreuse » et thanatologue de métier.

Ces six années ont également été une épreuve pour la fille adolescente du couple qui a miraculeusement survécu à la terrible collision.

« Anakyme avait 13 ans. Toute sa vie, ses parents étaient toujours là pour elle. C’était une première de classe, son père était coach. Ils prenaient soin de leur fille. C’étaient des parents parfaits. Ils formaient une famille tissée serré », souffle Éloise Fortin, la voix étranglée par l’émotion.

David Leblanc, 40 ans, a plaidé coupable lundi au palais de justice de Saint-Hyacinthe d’avoir causé la mort de Pierre Junior Brousseau et d’Émilie Fortin et d’avoir blessé leur fille en conduisant son véhicule en état d’ébriété en 2016. Son second procès devait s’ouvrir ce mois-ci. David Leblanc avait été acquitté de chefs plus graves en 2019, mais la Cour d’appel avait ordonné un nouveau procès.

PHOTO FOURNIE PAR LA FAMILLE

Les victimes, Pierre Junior Brousseau et Émilie Fortin

Ce soir du 9 novembre 2016, Pierre Junior Brousseau et Émilie Fortin se rendent avec leur fille de 13 ans, Anakyme, à Sainte-Marie-Madeleine, en Montérégie. Le père, au volant, fait son arrêt obligatoire à l’intersection du boulevard Laurier (route 116) et du rang Nord-Ouest. Ses phares sont allumés. Prudemment, il traverse le boulevard Laurier pour tourner à gauche en direction ouest.

Au même moment, David Leblanc conduit à tombeau ouvert sur la route 116 en direction est. Sans jamais freiner, il percute de plein fouet le véhicule Mazda 3 de la famille Brousseau-Fortin pendant sa manœuvre de virage. La collision est si violente que le moteur de la Mazda est retrouvé 25 mètres plus loin.

Pierre Junior Brousseau et Émilie Fortin n’ont eu aucune chance. Leur fille, assise à l’arrière, a été gravement blessée. L’adolescente avait courageusement témoigné lors du procès.

Une panoplie de comportements dangereux

Les policiers ont trouvé dans le porte-gobelet du véhicule du chauffard une bouteille Budweiser décapsulée et toujours intacte, malgré la violence de la collision. Une caisse de 12 bières se trouvait également sur le sol côté passager. David Leblanc avait un taux d’alcoolémie supérieur à 80 mg/100 ml, selon les faits admis.

Le chauffard s’était arrêté prendre quelques bières dans un bar avant la collision, a-t-on appris au procès. Son taux d’alcoolémie était alors évalué à 115 mg.

David Leblanc ne lâchait pas son cellulaire dans les minutes précédant l’accident. Alors qu’il était au volant, il a eu plusieurs appels, dont un qui a duré environ cinq minutes. De plus, il a envoyé et lu des messages textes.

La vitesse du véhicule de David Leblanc n’est pas précisée dans l’exposé commun des faits. Il reconnaît seulement avoir roulé plus vite que la vitesse permise de 90 km/h. Au procès, un expert en reconstitution d’accident a estimé la vitesse du chauffard à entre 120 et 140 km/h.

Au procès, en 2019, le juge Stéphane Godri avait conclu que l’accident n’était la « faute de personne », puisque la preuve ne démontrait pas que David Leblanc avait joué un rôle « appréciable » dans la collision mortelle.

La Cour d’appel avait reproché au juge en 2021 de ne pas avoir tenu compte des nombreux éléments suivants : l’alcoolémie, la vitesse, l’inattention de l’accusé, la manipulation de son téléphone et de son système audio dans les minutes précédant l’accident, l’absence de manœuvres d’évitement et de freinage adéquates.

Les observations sur la peine n’auront pas lieu avant plusieurs mois.

MSabrina Labrie représente le ministère public, alors que MMarc-André Gauthier défend l’accusé.