Les enquêteurs de l’Escouade régionale mixte (ERM) Rive-Nord de la Sûreté du Québec (SQ) ont démantelé mercredi matin ce qu’ils croient être l’un des réseaux de producteurs et de trafiquants de GHB les plus importants au Québec et peut-être même au Canada.

Au total, huit personnes — cinq hommes et trois femmes — ont été arrêtées dans leurs résidences de Terrebonne, Prévost, Delson, Saint-Philippe et dans un motel de Rouyn-Noranda, en Abitibi-Témiscamingue.

Au printemps 2022, les policiers ont perquisitionné deux commerces de produits chimiques à Delson et Saint-Philippe, et mis la main sur plus de 1300 litres de GBL — un produit précurseur servant à la fabrication du GHB —, 77 litres de GHB, 20 poches de soude caustique et des factures totalisant plusieurs centaines de milliers de dollars pour, entre autres, l’achat et l’importation de plus de 36 000 litres de GBL au cours des dernières années.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Éric Matte a été arrêté chez lui à Terrebonne à 6 h mercredi matin.

« Nous avons fait des analyses et des évaluations avec le laboratoire de Santé Canada et nous évaluons que depuis 2014, les membres du réseau auraient pu produire entre 14 et 43 millions de doses unitaires. Il est certain que la distribution devait se faire en dehors de la région de Montréal, dans plusieurs régions du Québec et peut-être même à l’extérieur de la province », a déclaré à La Presse la sergente de la SQ et porte-parole de l’ERM Rive-Nord Éloïse Cossette.

Selon nos informations, le réseau aurait eu des liens avec les Hells Angels.

Les femmes ont été libérées et pourraient être accusées ultérieurement. Les cinq hommes arrêtés sont la présumée tête dirigeante du réseau, Sébastien Turcotte, 43 ans de Terrebonne, Éric Matte, 42 ans, également de Terrebonne, (les deux habitent sur la même rue), Jean-Philippe Robitaille, 44 ans de Prévost, Richard Boisvert, 52 ans de Delson et Michel Dionne, 63 ans de Saint-Philippe.

Ceux-ci ont comparu en fin d’après-midi au palais de justice de Saint-Jérôme ou en début de soirée par téléphone.

Turcotte, Matte et Robitaille ont été accusés de production de GHB, participation à une organisation criminelle, trafic de stupéfiants, possession en vue de trafic, complot, recel et recyclage de produits de la criminalité. Boisvert et Dionne font notamment face à des accusations d’avoir possédé et vendu des produits à des fins de production et de trafic de stupéfiants.

Les cinq hommes demeurent détenus en attendant leur enquête sur remise en liberté qui a été fixée pour la forme à mercredi de la semaine prochaine.

Turcotte et Matte sont les seuls à avoir — ou à avoir eu – des démêlés judiciaires selon nos recherches et ceux-ci sont mineurs. Turcotte a une cause toujours active pour une présumée entrave commise l’an dernier, alors que Matte a été condamné à une absolution inconditionnelle assortie d’un don de 3000 $ en 2016 pour une affaire de vol de carte de crédit.

Très dangereux

Le GHB, un dépresseur du système nerveux central sous forme liquide inodore et incolore, est souvent étiqueté comme étant la « drogue du viol », mais il est surtout consommé de façon délibérée et récréative.

« S’il y avait une substance que je pouvais éliminer de la surface de la Terre, ce serait celle-là parce que la dépendance est vraiment dangereuse. Les gens sont dépendants rapidement et une fois que tu es dépendant, c’est très difficile de te sevrer d’une substance comme ça », affirme la Dre Marie-Ève Morin, selon laquelle des personnes peuvent consommer jusqu’à 100 millilitres de GHB quotidiennement.

« L’été, lorsque je travaille dans les festivals de musique électronique, c’est la substance qui nous cause le plus de problèmes, pour laquelle on a le plus souvent besoin d’appeler l’ambulance », ajoute la médecin de famille œuvrant en santé mentale et en dépendance.

Selon la Dre Morin, le prix du GHB aurait sensiblement augmenté durant la pandémie, et en raison également d’une diminution de l’accessibilité au GBL.

Généralement, une dose unitaire de GHB serait de 3,5 à 5 millilitres et le prix d’un millilitre serait d’environ 2 $.

« C’est extrêmement dangereux. C’est un sevrage qui est très difficile, potentiellement mortel », prévient la Dre Morin.

En plus de la drogue et des produits et équipements servant à sa fabrication, les policiers ont saisi 340 000 $ en argent et une arme à feu prohibée de calibre 25.

Une trentaine de policiers ont pris part à la frappe de mercredi matin.

L’enquête a débuté en mars 2022 à la suite d’une enquête amorcée par le Service de police de l’agglomération de Longueuil (SPAL), selon nos informations.

Outre la SQ, des policiers du SPAL, de Mascouche, de Terrebonne et de la Régie intermunicipale du Roussillon ont participé à l’opération.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000 poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.