L’ancien vice-président directeur de SNC-Lavalin Sami Bebawi a échoué à faire casser le verdict de culpabilité pour fraude et corruption dont il avait écopé en 2019 en lien avec les activités de l’entreprise en Libye. La Cour d’appel du Québec lui ordonne donc de se rapporter dans les 48 heures au pénitencier pour commencer à purger sa peine de huit ans et demi.

La théorie de la poursuite dans cette affaire était que Sami Bebawi avait participé au versement de millions de dollars en pots-de-vin à Saadi Kadhafi, fils du dictateur libyen Mouammar Kadhafi. Au passage, Sami Bebawi et un de ses proches auraient eux-mêmes reçu 26 millions de dollars en fonds détournés, au début des années 2000.

La victime de la fraude était l’État libyen, qui avait payé un prix gonflé pour des contrats publics réalisés par SNC-Lavalin.

Au terme d’un procès devant jury, Sami Bebawi avait été reconnu coupable en décembre 2019 de fraude, corruption d’agent public étranger, recyclage des produits de la criminalité et recel. Le juge Guy Cournoyer lui avait aussi imposé une amende de 24,7 millions de dollars à payer dans un délai de six mois.

Le rôle d’un avocat analysé

Les avocats de M. Bebawi avaient soulevé deux motifs principaux pour porter le verdict en appel. Ils contestaient notamment un volet de l’enquête menée par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) dans cette affaire. Les policiers avaient mené une opération d’infiltration ciblant un des avocats montréalais de M. Bebawi, MConstantine Kyres. Certaines communications de ce dernier avaient aussi été interceptées. La preuve exposée au procès a démontré que MKyres a offert 10 millions de dollars à un témoin pour qu’il change sa version des faits dans le dossier de M. Bebawi.

La Cour d’appel a reconnu que ce volet de l’enquête violait le secret professionnel de l’avocat et sa relation privilégiée avec M. Bebawi, mais a déterminé qu’une exception s’applique dans ce cas puisque la relation entre l’avocat et le client « s’inscrivait dans la poursuite d’un dessein criminel ».

Les avocats de M. Bebawi demandaient aussi un acquittement automatique sur certains chefs d’accusation de fraude puisque selon eux, il n’y avait aucun risque de perte économique pour une société ayant conclu une entente avec SNC-Lavalin en Libye et citée comme victime. La Cour d’appel n’a pas retenu cet argument. « Au bout du compte, c’est d’abord et avant tout l’État libyen qui était victime », souligne le jugement, par les juges François Doyon, Guy Gagnon et Christine Baudouin.

La Cour a toutefois accepté d’accorder deux ans plutôt que six mois à l’ancien vice-président directeur pour payer son amende.

Pilule difficile à avaler

Au terme de son procès, M. Bebawi avait déposé une déclaration écrite à la cour, soulignant le travail exceptionnel des employés de SNC-Lavalin sur le terrain et déplorant que certains hauts dirigeants aient pu se tirer de cette affaire sans conséquence.

« Ces employés ont livré chaque mandat qu’on leur a donné avec honneur, souvent loin de leurs familles, dans des pays inhospitaliers pour de longues périodes de temps. Ils méritaient mieux. Ils ont plutôt vu plusieurs ‟intouchables” abandonner le navire sans aucune conséquence à ce jour. Ce doit être une pilule difficile à avaler pour eux », disait-il dans sa lettre.