Trois jours après le drame, les enquêteurs sont toujours dans le néant

« Je revois son sourire. C’est un grand gentil, serviable. Ça ne se peut pas, je ne comprends pas, ça ne se peut juste pas », a témoigné à La Presse une collègue de Pierre Ny St-Amand, ce chauffeur d’autobus qui a embouti une garderie mercredi matin à Laval, tuant deux enfants et en blessant six autres.

Nous avons rencontré cette chauffeuse de la Société de transport de Laval (STL) vendredi soir, en pleurs, devant l’église Sainte-Rose-de-Lima. Elle était venue se recueillir devant l’amoncellement de peluches, de mots d’encouragement, de fleurs et de chandelles qui grandit d’heure en heure.

Incrédule, les joues mouillées par l’émotion.

Dans la lumière tamisée de cette nuit d’hiver, plusieurs personnes, de Laval et même de l’extérieur de la ville, se sont déplacées pour se recueillir et rendre hommage aux victimes.

« J’ai fait son circuit d’autobus [ces derniers jours], poursuit cette collègue. J’ai essayé d’imaginer ce qui avait pu lui passer par la tête. Ça ne se peut pas que ce soit Pierre qui ait fait ça, c’est impossible. Jamais lui ! Il s’est passé quelque chose dans sa tête, c’est sûr. »

Celle qui est chauffeuse depuis plusieurs années a préféré ne pas parler publiquement. Elle n’est d’ailleurs pas autorisée à le faire. « Pour le moment, la STL préfère ne pas accorder d’entrevue afin de ne pas nuire à l’enquête du Service de police de la Ville de Laval en cours », a indiqué la STL par courriel.

Les collègues de Pierre Ny St-Amand sont tous sous le choc, affirme cette chauffeuse. « Il y en a qui l’ont salué le matin même. C’est incroyable. »

Les enquêteurs toujours dans le néant

Bientôt trois jours entiers après la tragédie, les enquêteurs du Service de police de Laval ne savaient toujours pas quelles motivations avaient poussé le chauffeur à foncer avec son mastodonte mécanisé sur la garderie de la terrasse Dufferin.

Si les enquêteurs n’ont pu rencontrer Pierre Ny St-Amand le jour du crime, ils ont pu discuter avec lui pour la première fois jeudi, nous a-t-on dit.

Oui, [Pierre Ny St-Amand] a été rencontré par les enquêteurs, mais ceux-ci ne connaissent toujours pas ses motivations. Après sa comparution, le suspect a été pris en charge par les Services correctionnels.

Érika Landry, porte-parole du Service de police de Laval (SPL)

Selon une source digne de foi qui a requis l’anonymat, car elle n’est pas autorisée à parler aux médias, Ny St-Amand aurait été hospitalisé dans la nuit de jeudi à vendredi. Cette information n’a toutefois pu être confirmée ou infirmée par le Service de police de Laval.

Jusqu’à maintenant, les enquêteurs n’ont trouvé aucun lien entre le chauffeur de la STL et la garderie éducative Ste-Rose.

Selon nos informations, rien n’indique que le suspect aurait eu les facultés affaiblies par l’alcool ou par toute autre substance lorsqu’il est passé à l’acte.

Jeudi, le ministre responsable des services sociaux du Québec, le docteur Lionel Carmant, a déclaré que Ny St-Amand n’était pas en attente de services en santé mentale.

Des funérailles célébrées jeudi

Le nom de l’une des jeunes victimes a été rendu public vendredi. Jacob Gauthier, 4 ans, a été identifié dans une nécrologie publiée en ligne. Les responsables de l’église Sainte-Rose-de-Lima ont confirmé que ses funérailles étaient prévues jeudi prochain, à 11 h.

Le curé de la paroisse Michel Bouchard va présider les obsèques après avoir baptisé Jacob il y a environ trois ans, a-t-il déclaré à plusieurs médias.

L’identité de la deuxième jeune victime n’a toujours pas été confirmée publiquement.

Quelques centaines de personnes ont assisté vendredi à une messe spéciale destinée aux victimes, aux blessés, à leurs familles et à tout le personnel de la ​​garderie.

Une campagne de financement pour venir en soutien aux familles affectées avait déjà recueilli plus de 25 000 $ vendredi, après avoir été lancée la veille.

Le recueillement se poursuit

Vendredi, des dizaines de personnes ont continué d’affluer pour venir se recueillir près de la garderie et de l’église Sainte-Rose-de-Lima, venant de tout le quartier, et même des villes environnantes.

« Je suis là pour faire une prière pour les familles, pour qu’elles s’en sortent le mieux possible, et pour dire au revoir aux petits anges », a dit François Gauthier, qui arrivait de Deux-Montagnes, dans les Laurentides.

« Tout le monde en parle à l’école », a aussi confié Sofia, 10 ans, venue rendre hommage aux victimes en compagnie de son petit frère et de sa mère. « On a eu deux minutes de silence pour penser aux deux petits enfants [morts]. »

« Nous, on était en route vers la garderie quand on a entendu ça à la radio [mercredi] », a expliqué Dominic Gosselin, rencontré avec sa conjointe Maria Salazar et leurs 2 petites jumelles de deux ans, près de la garderie. La famille arrivait de Boisbriand. « Ça aurait pu être n’importe quelle garderie, estime M. Gosselin. Comme nouveaux parents, ça nous touche assez fort. »

« Ça fait beaucoup d’enfants qui ont mis des toutous », observe Émile, âgé de 11 ans, après avoir lui-même déposé un ourson et un serpent en peluche devant l’église. « C’est triste. »

Avec La Presse Canadienne