Six mois après avoir mené des perquisitions visant à démanteler un prolifique réseau de trafiquants de drogue indépendants issus de gangs de rue, les enquêteurs du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) ont effectué des arrestations tôt mercredi matin, a appris La Presse. Le chef présumé du groupe, en cavale, est activement recherché par les autorités.

« C’est une organisation criminelle basée à Montréal. Ce sont des gens qui ont grandi à Montréal », a expliqué Francis Renaud, commandant de la Division du crime organisé du SPVM.

Une dizaine d’individus ont été arrêtés au cours de ce ratissage, confirme la police. Les 10 suspects sont originaires de Montréal, Laval, Mirabel, Sainte-Anne-des-Plaines et Richmond Hill, en Ontario.

Patrick-Olivier Gravel, Maxime Renault, Jean-Michel Renault, Kepler Philogène, Marie-Pier Archambault, Sarah Majano-Blanchard, Alexandre Lacasse et Jessica Nicolas ont comparu mercredi après-midi.

Les membres du groupe font face à de nombreux chefs d’accusation en lien avec la possession et le trafic de stupéfiants. Cinq d’entre eux seront également accusés de possession d’armes en vue d’en faire le trafic.

Détenus à la prison de Bordeaux, Sami Hashemi Pour, 26 ans, et Nicolas Monifère-Lafetière, 20 ans, font également l’objet d’un mandat d’arrêt.

Le chef présumé du groupe, Emmanuel Roy-Puthyra, est activement recherché. L’homme de 35 ans est lui aussi visé par des chefs d’accusation en matière de gangstérisme, de trafic de stupéfiants et de possession d’armes en vue d’en faire le trafic.

Ces arrestations concluent une importante enquête de la Division du crime organisé du SPVM, baptisée Auxo et au cours de laquelle les enquêteurs ont saisi au moins 54 kilogrammes de cocaïne, 46 kilogrammes de crystal meth, près de 170 000 comprimés de fentanyl et de métonitazène et 36 kilogrammes de cannabis, le tout ayant une valeur totale estimée à environ 4 millions de dollars.

Durant l’enquête, les limiers ont aussi mis la main sur une somme d’argent considérable de 1,3 million de dollars et sur huit armes à feu, dont un fusil d’assaut de type AR-15. L’argent saisi était destiné à l’achat d’armes à feu, a expliqué le commandant Renaud mercredi matin.

PHOTO FOURNIE PAR LE SPVM

L’arme d’assaut saisie par les enquêteurs

« Les individus se rendaient à Toronto avec des sacs remplis d’argent toutes les semaines et revenaient avec de la drogue et des armes. »

PHOTO FOURNIE PAR LE SPVM

Emmanuel Roy-Puthyra

Connu des policiers, proche de gangs

Roy-Puthyra est bien connu des milieux policiers.

Il a des antécédents en matière de trafic de stupéfiants, de fraude et d’entrave.

Selon des sources, il aurait été arrêté en mars 2020 peu après avoir été vu par les policiers de l’escouade Éclipse en train de manipuler une arme à feu. Il n’a cependant pas été accusé dans cette affaire.

Il est considéré par la police comme un proche de membres de gangs d’allégeance rouge, notamment des Zone 43 de Montréal-Nord. « Emmanuel Roy-Puthyra a grandi dans le nord-est de Montréal. Son équipe est constituée de gens avec lesquels il a grandi », a confirmé Francis Renaud.

Selon nos renseignements, Roy-Puthyra aurait été présent lors d’une fête de naissance reliée aux Zone 43 au cours de laquelle un homme a été tué par des individus qui ont ouvert le feu à partir d’un véhicule en marche, devant un restaurant du boulevard Parkway, dans l’arrondissement d’Anjou, dans la nuit du 30 novembre au 1er décembre 2019.

Roy-Puthyra aurait aussi été présent au restaurant Houston du Centropolis le soir où des policiers de l’escouade Équinoxe ont été pris à partie lors d’une mini-émeute durant laquelle deux individus armés ont été arrêtés en août 2018.

En septembre 2010, Roy-Puthyra a été condamné à 18 mois à purger dans la collectivité après avoir plaidé coupable à des accusations d’utilisation frauduleuse de cartes de crédit volées dans des commerces de Saguenay.

Maxime Renault, 36 ans, est considéré comme son bras droit. Il a été condamné à 42 mois d’emprisonnement en 2005 après avoir plaidé coupable à une accusation réduite d’homicide involontaire relativement au meurtre de Sébastien Lacasse, commis l’année précédente.

Ce crime avait soulevé l’indignation à l’époque. Lacasse, 19 ans, s’était disputé avec un groupe de jeunes lors d’une fête à Laval. Il avait quitté les lieux à bicyclette, mais avait été suivi et rattrapé par les jeunes, qui l’avaient battu à mort.

Renault avait refait les manchettes en 2010 après avoir été arrêté et accusé de fraude.

Kepler Philogène, 39 ans, est un ancien joueur de football de la ligne défensive du Rouge et Or de l’Université Laval.

Selon nos informations, il aurait été responsable de la cache d’argent de l’organisation. Philogène a des antécédents en matière de proxénétisme.

Dans la cour des grands

Lors des perquisitions en juin, le commandant de la Division du crime organisé du SPVM, Francis Renaud, avait expliqué à La Presse que les membres du réseau étaient issus de gangs de rue et avaient créé une organisation indépendante qui n’avait rien à envier aux groupes criminels majeurs, tels les Hells Angels et la mafia.

Ce réseau pouvait même approvisionner ces derniers et les gangs de rue dans les couronnes nord et sud de Montréal.

Le réseau aurait écoulé au moins 25 kilogrammes de cocaïne par semaine et transporté d’importantes sommes d’argent vers Toronto, où il comptait sur une « porte », c’est-à-dire une personne qui faisait entrer la cocaïne au Canada et leur permettait de s’approvisionner en grande quantité, au même titre que les importantes organisations criminelles.

« C’est exactement la nouvelle couleur du crime organisé. C’est-à-dire que ce sont des individus de toutes les communautés culturelles, dont certains sont issus des gangs de rue, qui se sont mis à collaborer ensemble dans un but commun, l’argent. Ces gens-là ont dû avoir l’aval de certains joueurs importants et puisqu’ils ont été utiles à ces derniers, ils ont pu vaquer à leurs occupations », avait expliqué le commandant Renaud.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.