Le procès de Jonathan Massari, accusé de complot et des meurtres de quatre individus liés à la mafia en 2016, a avorté il y a trois semaines après que le témoin vedette de la poursuite, un ancien tueur à gages du crime organisé, a, durant son témoignage, tenu des propos inadmissibles en preuve et préjudiciables pour l’accusé.

Un interdit de publication nous empêche de dévoiler une grande partie de cette preuve inadmissible et préjudiciable, mais le juge Michel Pennou de la Cour supérieure a accepté que des motifs pour lesquels il a décrété un avortement de procès soient rendus publics à la suite de démarches entreprises par La Presse.

Jonathan Massari, 41 ans, est accusé d’avoir comploté les meurtres de Lorenzo Giordano, Rocco Sollecito et des frères Vincenzo et Giuseppe Falduto et de les avoir tués.

Trois des victimes ont été abattues par un tueur à gages de la mafia qui a ensuite collaboré avec la police et qui a enregistré Massari et d’autres complices à leur insu en 2019.

Cet ancien tueur devenu taupe – dont on doit taire le nom – a témoigné durant une seule journée au procès de Massari et à la fin de celle-ci, l’avocat de l’accusé, MPhilippe Larochelle, a annoncé qu’il allait déposer une requête en avortement de procès qui a été accueillie par le juge Pennou.

« L’agent civil d’infiltration (ACI) impliqué dans le projet Préméditer est un témoin hors du commun et particulièrement difficile. Il est très volubile. Il déborde constamment le cadre des questions qui lui sont posées. Il parsème ses réponses de commentaires et d’opinions. Il s’emporte au point où il semble ne plus pouvoir s’arrêter. Il passe si vite d’une chose à l’autre qu’il est extrêmement difficile de contextualiser ses réponses et de bien en comprendre la teneur, que ce soit sur le coup ou après coup. »

« Le faire témoigner contre l’inculpé, Jonathan Massari, pose des défis supplémentaires. L’ACI nourrit envers lui un ressentiment qu’il semble incapable de contenir. Par exemple, au cours de ses envolées, alors qu’il impute à l’inculpé quelques crimes ou manœuvres malhonnêtes, il peut le traiter de rat, de coquerelle, d’imbécile, de radin », écrit le magistrat dans sa décision de 13 pages sur la requête en avortement de procès.

Le juge Pennou a conclu qu’une mise en garde aux jurés envers les propos inadmissibles en preuve de l’ancien tueur à gages aurait été sans effet et que le seul remède possible était l’avortement du procès pour en tenir un nouveau le plus vite possible.

Témoignage filmé

Le magistrat a demandé à la poursuite et à la défense de proposer des solutions « hors de la boîte » pour que le témoignage de l’ex-tueur à gages soit mieux encadré de façon à éviter un autre avortement de procès.

La poursuite, représentée par MIsabelle Poulin, MMarie-Christine Godbout, MKarine Cordeau et MCatherine Sheitoyan, a proposé une solution hors des sentiers battus : que l’ACI soit interrogé et contre-interrogé sur vidéo, en présence du juge mais sans celle du jury, avant le début du prochain procès, que les informations inadmissibles en preuve qui en découleraient soient ensuite coupées et que l’interrogatoire filmé soit finalement présenté aux jurés lors du procès.

Mais le juge Michel Pennou a rejeté cette proposition mardi matin en concluant que la nécessité d’une telle façon de faire était « prématurée ».

Il a dit entre autres qu’un témoignage réalisé sans la présence du jury constituerait du ouï-dire mais qu’il pourrait y avoir des exceptions. Il a également souligné que les jurés ne pourraient pas apprécier les réponses du témoin autant que si le témoignage se déroulait devant eux, dans la salle d’audience, mais n’a toutefois pas complètement écarté la faisabilité de cette façon de faire.

De nouvelles discussions « pour fixer le cadre du témoignage de l’ACI » auront lieu la semaine prochaine.

Les futurs candidats jurés pour le nouveau procès à venir seront convoqués pour le 21 novembre prochain.

Pour joindre Daniel Renaud, composez-le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.