Empêcher les patrouilleurs d’intercepter les automobilistes à leur guise, comme vient de l’ordonner la Cour supérieure pour limiter le profilage racial, pourrait entraîner une augmentation des morts sur la route.

C’est du moins l’avis de l’Association des directeurs de police du Québec (ADPQ), qui se dit « très préoccupée » par cette récente décision de justice. Le racisme est un enjeu réel, mais la protection de la vie humaine doit également faire partie des considérations, a fait valoir le président de l’organisation, Pierre Brochet, en entrevue.

« Nous croyons que ça va avoir des impacts sur la sécurité publique, sur la sécurité routière », a affirmé M. Brochet, chef de police de Laval, en entrevue téléphonique. À son avis, retirer le pouvoir d’interception, « c’est une mesure qui est extrême ».

La décision de justice remet même en question la légalité des barrages routiers anti-alcool au volant organisés à l’approche des Fêtes.

Mardi, la Cour supérieure du Québec avait ordonné la fin des interceptions sans motif des automobilistes parce que ce pouvoir arbitraire sert pour certains policiers de « sauf-conduit de profilage racial à l’encontre de la communauté noire ». Le juge Michel Yergeau a rendu cette décision dans le dossier de Joseph-Christopher Luamba, un jeune homme noir de 22 ans intercepté sans motif à trois reprises en deux ans.

« Les droits garantis par la Charte ne peuvent être laissés plus longtemps à la remorque d’un improbable moment d’épiphanie des forces policières », a écrit le juge Yergeau.

« Des répercussions sociétales »

Les organisations de défense des droits des minorités visibles ont salué la décision de la Cour supérieure, mardi.

Mercredi, la mairesse de Montréal l’a aussi accueilli positivement. « Le jugement qui a été rendu dit haut et fort qu’il n’y a pas de place dans notre société pour le profilage social et racial », a dit Valérie Plante. « Pour nous, à la Ville de Montréal, dans nos différentes organisations, le SPVM, la STM, tout le monde est d’accord qu’on n’en veut pas. »

Mais les chefs de police considèrent que cette décision risque de nuire à la capacité des policiers de faire appliquer le Code de la sécurité routière, selon leur association.

L’article du Code de la sécurité routière qui permettait ces interceptions « existe entre autres pour sauver des vies », a fait valoir Pierre Brochet. « Il est donc certain que cette décision aura des répercussions sociétales en sécurité routière. Uniquement en 2021, 347 personnes ont perdu la vie sur nos routes, 1227 ont eu des blessures graves et 26 314 ont subi des blessures légères. »

L’ADPQ s’est dite « très consciente des enjeux de profilage racial » et plaidé que « plusieurs initiatives ont été mises en place afin d’adresser cette problématique ». En entrevue, M. Brochet a fait valoir que des recours existaient contre les policiers qui feraient preuve de racisme dans leur travail.

Le ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, a exprimé sa solidarité avec les policiers.

« Je tiens à saluer le travail des policiers et réitérer la confiance que j’ai en eux. On est sensible face à la situation de profilage racial, comme le démontrent nos actions antérieures », a-t-il déclaré via son attachée de presse Roxanne Bourque. « Nous prendrons le temps de bien analyser le jugement qui a été rendu hier. »

Avec Isabelle Ducas et Vincent Larin, La Presse