Le matin du 12 juin 2020, vers 10 h, Pietro Poletti, lieutenant-détective à la retraite du SPVM, spécialiste du crime organisé, regardait la télévision en robe de chambre lorsqu’on a sonné à la porte de son domicile, où il vit avec sa mère, dans l’arrondissement de LaSalle.

« J’ai ouvert la première porte. Ils ont aussitôt ouvert la porte coupe-froid et sont entrés dans la maison. L’un d’eux a dit : It’s him ! Ils ont commencé à me frapper à coups de brique et de bâton. Je me suis mis par terre et j’ai protégé ma tête avec mes mains », a raconté l’ancien enquêteur mardi, au procès de Yadley Deutz-St-Jean et de Mitchaino Bruno.

Les deux hommes sont soupçonnés d’avoir fait partie d’un quatuor qui a pris part au violent braquage à domicile survenu chez Pietro Poletti il y a deux ans.

Ils sont accusés d’introduction avec effraction, voies de fait armées, voies de fait avec lésions, menaces de mort, séquestration et méfait. Deutz-St-Jean fait également face à un chef de possession d’une arme à feu.

Les deux autres accusés ont déjà plaidé coupable et ont été condamnés.

« Tire-lui dessus » !

Pietro Poletti affirme que l’agression a duré entre une et deux minutes, et qu’il a reçu au moins une vingtaine de coups, dont trois ou quatre de brique à la tête.

Lors de l’attaque, qui s’est déroulée dans l’entrée de la résidence, la mère de l’ancien policier, alors âgée de 87 ans, est montée du sous-sol, alertée par les cris de son fils.

Un des suspects l’a tirée par le bras et a arraché une chaîne qu’elle portait au cou. Mme Poletti a fui par le garage et est sortie dans la rue, pour demander de l’aide.

Lorsqu’il a vu sa mère molestée, Pietro Poletti a commencé à se défendre. C’est à ce moment que les suspects ont lâché prise, non sans que l’un dise : Shoot him ! [tire-lui dessus], selon l’enquêteur à la retraite. Les trois hommes ont pris la fuite en courant, en abandonnant sur leur chemin une brique et un balai à neige cassé. Ils sont montés à bord d’une voiture noire garée rue Laplante, dans laquelle un complice les attendait.

Le véhicule a démarré, mais un voisin de M. Poletti, qui a vu les trois suspects courir, a suivi la voiture, a pris en note le numéro de plaque et l’a ensuite donné aux policiers.

M. Poletti a souffert d’une coupure à l’arcade sourcilière causée par un coup de brique. Il a également eu plusieurs ecchymoses et la colonne vertébrale fissurée. « J’ai eu mal pendant au moins un mois, un mois et demi », a-t-il dit.

Sa mère, aujourd’hui âgée de 89 ans, a eu des ecchymoses elle aussi. « On a beau avoir mis des caméras, elle a encore peur. Elle n’est plus la même », a décrit M. Poletti.

Policier un jour…

Au début des années 2000, des inconnus avaient déjà déposé une couronne mortuaire devant la résidence de Pietro Poletti. Cette affaire, qui avait soulevé des vagues à l’époque, a été évoquée durant son témoignage.

« En raison de mon travail, j’ai déjà été menacé, mais jamais ils ne sont venus chez moi. J’ai longtemps travaillé sur la mafia et les motards. Jamais le crime organisé n’aurait envoyé des gens à la maison. Ça, c’est de la canaille », a lancé M. Poletti.

Depuis le début du procès, il n’a pas été question du mobile de cette attaque chez un ex-enquêteur chevronné du SPVM.

Mais à ce sujet, durant l’enquête préliminaire, M. Poletti avait également témoigné et mentionné spontanément que le mobile pourrait être sa participation à un reportage de TVA sur la mafia pour lequel il s’était rendu en Italie, une collaboration que le milieu n’aurait pas appréciée.

« Mais c’est de la spéculation », a dit M. Poletti, ajoutant que « chez les motards et la mafia, peut-être que ça a changé aujourd’hui, mais il y a toujours eu un code d’éthique et du fair-play. Il faut comprendre leur mentalité. Once a cop, always a cop [policier un jour, policier toujours] dans leur tête. C’est vrai que j’ai fait mon travail avec passion et vocation. Tu ne fermes pas les lumières et, soudainement, tu n’es plus dans la police. It was a clear hit on me [on me visait clairement] », avait déclaré Pietro Poletti à l’enquête préliminaire.

Plaque d’immatriculation mal fixée

Lundi, Athanasios Venardos, patrouilleur au Service de police de l’agglomération de Longueuil (SPAL), a raconté que vers 17 h 50 dans l’après-midi du 12 juin 2020, son collègue et lui roulaient sur la route 116, en direction ouest, lorsqu’ils ont été dépassés à gauche par une voiture noire dont la plaque d’immatriculation pendait d’un côté.

« J’ai demandé à mon partenaire de vérifier la plaque et il m’a tout de suite dit qu’il pensait que c’était le véhicule pour lequel nous avions reçu un message narratif durant la journée, pour une affaire d’invasion de domicile survenue à Montréal. Le message disait qu’il pouvait y avoir quatre personnes à bord et une arme à feu », a témoigné l’agent Venardos.

Plusieurs traces laissées
  • L’agression a essentiellement eu lieu dans l’entrée de la résidence. À gauche, au bout de la porte, on peut voir la brosse du balai à neige qui se serait brisé lors de l’attaque.

    PHOTO DÉPOSÉE EN COUR

    L’agression a essentiellement eu lieu dans l’entrée de la résidence. À gauche, au bout de la porte, on peut voir la brosse du balai à neige qui se serait brisé lors de l’attaque.

  • La brique qui a servi à frapper M. Poletti a été abandonnée par les suspects dans l’escalier extérieur de la résidence.

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    La brique qui a servi à frapper M. Poletti a été abandonnée par les suspects dans l’escalier extérieur de la résidence.

  • Le balai à neige brisé a été retrouvé près de la résidence de la victime.

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    Le balai à neige brisé a été retrouvé près de la résidence de la victime.

  • Pietro Poletti a souffert d’une coupure à l’arcade sourcilière gauche.

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    Pietro Poletti a souffert d’une coupure à l’arcade sourcilière gauche.

  • M. Poletti a constaté immédiatement après l’agression que les quatre pneus de son VUS avaient été crevés.

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    M. Poletti a constaté immédiatement après l’agression que les quatre pneus de son VUS avaient été crevés.

  • La plaque d’immatriculation du véhicule des suspects pendait de cette façon, attirant ainsi l’attention des deux patrouilleurs du SPAL sur la route 116.

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    La plaque d’immatriculation du véhicule des suspects pendait de cette façon, attirant ainsi l’attention des deux patrouilleurs du SPAL sur la route 116.

  • Le bâton télescopique trouvé dans le véhicule des suspects.

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    Le bâton télescopique trouvé dans le véhicule des suspects.

  • Le pistolet découvert dans un sac en bandoulière, sous le siège du passager avant, dans la voiture des suspects.

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    Le pistolet découvert dans un sac en bandoulière, sous le siège du passager avant, dans la voiture des suspects.

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Lorsqu’ils ont reçu la confirmation qu’il s’agissait du véhicule recherché, ils ont appelé des renforts et les policiers du SPAL ont intercepté la voiture sur la voie de desserte du boulevard Taschereau, près du boulevard Lafayette.

Les quatre suspects se sont rendus sans résistance.

Dans le véhicule, les patrouilleurs ont saisi une vingtaine d’articles, dont une arme à feu chargée de quatre balles, mais non chambrée, un couteau muni d’une lame de 30 centimètres, un bâton télescopique, des gants et un masque chirurgical sur lequel il y avait des taches ressemblant à du sang.

Le procès, qui est présidé par le juge Alexandre Dalmeau de la Cour du Québec, se poursuit toute la semaine.

La poursuite est représentée par MPhilippe Vallières-Roland et la défense par MAlexie Galarneau et MNoémie Tellier.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514, 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.