(Québec) Le gouvernement du Québec a tenté de « stigmatiser » les consommateurs et a « empiété sur les compétences fédérales » en interdisant la culture de plants de cannabis à domicile, a fait valoir jeudi un Québécois devant la Cour suprême.

« Il y a un choc d’idées très, très fort entre le fédéral et le provincial », a plaidé l’avocat Maxime Guérin jeudi, alors que le plus haut tribunal au pays entendait exceptionnellement une cause au palais de justice de Québec.

MGuérin représente Janick Murray-Hall, ce Québécois qui s’attaque à une disposition de la loi provinciale interdisant de cultiver des plants de cannabis à la maison. Rappelons que le gouvernement fédéral avait décriminalisé en 2018 la culture à domicile de quatre plants.

Le gouvernement du Québec avait immédiatement adopté une approche plus restrictive en interdisant la culture de plants à des fins personnelles. Les amendes aux contrevenants varient entre 250 $ et 750 $. Seul le Manitoba a choisi d’imiter le Québec.

« Le provincial a dépassé ses compétences, empiété sur les compétences fédérales et le droit criminel », a fait valoir l’avocat de Murray-Hall aux neuf juges de la Cour suprême.

Selon lui, Ottawa a non seulement décriminalisé la culture à domicile, mais il l’a en quelque sorte permise. Les provinces qui vont à l’encontre de cette disposition de la loi fédérale se mêleraient donc de droit criminel, une compétence fédérale.

Le Québec conteste bien sûr cette lecture. « Ici, ce qui est en cause, c’est la protection de la santé, compétence des provinces », a répliqué l’avocate du Procureur général du Québec, MPatricia Blair.

Le Québec a simplement choisi d’« user du principe de précaution » en encadrant davantage le cannabis pour « éviter les erreurs du passé notamment celles dans le cas du tabagisme ».

La province a aussi fait le choix de confier ce nouveau marché entièrement à la Société québécoise du cannabis (SQDC). La culture du cannabis à domicile viendrait en quelque sorte briser ce monopole.

L’Ontario est également intervenu en faveur de la position du Québec devant la Cour suprême. Cette province permet la culture de plants à domicile, mais soutient le droit des provinces de l’interdire.

Interdire de brasser sa bière à la maison ?

Le plaignant, Janick Murray-Hall, avait gagné sa cause en première instance. La Cour supérieure avait conclu que l’interdiction du Québec empiétait « de façon importante sur la compétence fédérale en matière criminelle ».

Puis la Cour d’appel avait infirmé la décision, jugeant que Québec avait le droit de miser sur un monopole d’État en matière de cannabis. Permettre la culture de plants créerait « une brèche dans le monopole octroyé à la SQDC », notait la Cour d’appel.

Le plaignant dans cette affaire, Janick Murray-Hall, n’en est pas à sa première cause d’importance devant les tribunaux. Il s’agit du créateur du défunt site parodique Le Journal de Mourréal, fondé en 2012 puis fermé en 2019 après une bataille juridique avec Québecor. La Cour supérieure avait conclu que le média satirique contrevenait à la Loi sur les marques de commerce.

Les neuf juges de la Cour suprême ont posé des questions incisives et répétées à l’avocat de M. Murray-Hall, rappelant à maintes reprises qu’on ne pouvait créer un droit positif avec le Code criminel, chargé plutôt d’interdire certaines pratiques.

Ils ont été moins insistants à l’égard de MPatricia Blair. « Comment expliquez-vous que la production du vin et de la bière n’est pas interdite au Québec malgré le monopole de la SAQ ? N’y a-t-il pas une contradiction ? », a tout de même demandé le juge Nicholas Kasirer à la représentante du Procureur général du Québec.

« L’alcool et le cannabis sont des substances différentes. Le cannabis a été considéré comme une drogue psychotrope pendant 96 ans au Canada, ce qui n’est pas le cas de l’alcool », a répondu MBlair.

La Cour suprême a mis la cause en délibéré. Rappelons que le plus haut tribunal au pays était exceptionnellement de passage à Québec cette semaine, dans un désir de rencontrer le public hors de son siège habituel à Ottawa.

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  • 2452 $
    Montant maximal des amendes pour culture de cannabis au Manitoba, seule autre province à l’interdire