Une famille poursuit le SPVM pour 242 000 $

La paisible matinée d’une famille montréalaise a été brutalement interrompue quand les agents du Groupe tactique d’intervention (GTI) du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) ont défoncé leur porte dans le but d’y faire une perquisition et braqué leurs armes sur les parents. Le hic ? L’escouade a cogné à la mauvaise porte.

Les innocents citoyens poursuivent la Ville de Montréal pour 242 000 $ à la suite des traumatismes causés par cette erreur policière qui serait survenue en février dernier.

Il est 5 h 30 du matin. Brahim Tarhri et Asma Hassani dorment. Leur bébé de 1 an et leurs trois autres enfants âgés de 3 à 12 ans sont également plongés dans le sommeil, selon les faits relatés par les demandeurs.

Puis soudain, un gros « boum ». Mme Hassani se cache dans la garde-robe, effrayée. Son mari saute de son lit sous les hurlements du bébé apeuré. Il aperçoit avec stupeur des agents du SPVM munis de fusils d’assaut avec lumière à l’entrée de son logement de l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville. La porte est défoncée.

« Police ! Police ! Les mains sur les genoux, ne bougez pas », entend-il, selon les documents de la poursuite obtenus par La Presse.

Le père de famille crie à ses enfants de rester dans la chambre et de ne sortir sous aucun prétexte. Lui et sa femme se retrouvent à genoux, en proie à la panique. Tout au long de l’intervention, les agents du GTI pointent les armes vers eux.

« Complètement désemparés, ils craignaient que leur famille se fasse abattre dans leur propre demeure », peut-on lire dans les documents judiciaires.

Erreur sur la personne

Ce n’est qu’à ce moment que les agents interrogent les deux adultes. Ils sont à la recherche d’un jeune homme. Ils leur demandent s’il s’agit de leur fils.

Brahim Tarhri les avise de leur erreur : il s’agit du garçon des voisins d’en dessous. L’équipe tactique quitte donc l’appartement et se dirige vers le logement du bas.

Quelques minutes plus tard, les policiers présentent leurs excuses à la famille. Un commandant et son adjoint se déplacent en après-midi pour s’excuser à leur tour. Ils admettent leur erreur : les policiers se sont trompés d’adresse, selon les demandeurs.

L’intervention policière a grandement perturbé les quatre enfants. Ils ne se sentent plus en sécurité dans leur logement, dorment difficilement et réagissent au moindre bruit.

Même chose pour leurs parents. Ils ont reçu un diagnostic de stress post-traumatique et prennent des antidépresseurs. Ils souffrent également d’insomnie.

Mme Hassani a dû arrêter d’allaiter son nourrisson, « ayant perdu sa capacité à produire du lait en raison de son traumatisme », peut-on lire dans les documents judiciaires.

Leur garçon de 12 ans n’est plus le même depuis l’évènement. Il est nerveux et agressif, estiment les demandeurs.

« Il est totalement inacceptable qu’une escouade tactique d’une des plus grandes villes au Canada se trompe d’adresse et défonce un logement rempli de citoyens innocents armes d’assaut en main. Les policiers n’ont fait aucune vérification avant de défoncer le logement des défendeurs », est-il écrit dans la poursuite.

« Comme des animaux »

C’est bien le fils de la voisine du dessous qui était visé par l’opération, confirme cette dernière à La Presse. Elle a requis l’anonymat pour éviter à son fils de 17 ans d’être identifié. « Mon fils avait de très mauvaises fréquentations et un passé criminel, admet-elle. Mais ce n’est pas non plus un gros bandit. »

L’équipe du SPVM a fouillé chaque coin de son petit appartement, où elle habite avec ses trois enfants. Ils cherchaient des armes en lien avec une enquête, précise-t-elle. « Je n’ai pas plus de détails. Ils n’ont rien trouvé ici. »

L’adolescent a été interrogé une bonne partie de la journée, pour finalement être relâché. « Il a raté son rendez-vous chez le médecin pour absolument rien. Il n’était pas directement impliqué dans aucun évènement. »

Elle demeure critique à l’endroit de l’attitude des policiers cette journée-là, mais comprend la nature de leur travail. « Ça ne me dérangeait pas qu’ils fouillent. Mais on s’est vraiment fait traiter comme des animaux. Ils ont mis l’endroit tout à l’envers sans rien trouver ni rien nous expliquer. On aurait aimé plus de transparence et de sensibilité. Et c’est sans parler de ce qu’ils ont fait vivre à mes voisins. »

Elle espère qu’ils auront gain de cause dans cette affaire. « Ils ont de jeunes enfants, ils ne méritaient pas ce traumatisme. Ça aurait pu être pire, il n’y a pas eu de blessés, Dieu soit loué. »