L’homme d’affaires Robert Mitchell a commis une agression similaire à celle de l’ingénieur Simon Houle, en 2019. Le premier a été condamné à 18 mois de prison, le second a reçu une absolution conditionnelle. Comment expliquer cet écart ? Un professeur de droit pointe trois éléments clés qui pourraient avoir fait la différence.

Le 17 mai dernier, Mitchell, 57 ans, a été reconnu coupable par la juge Marie-Josée Di Lallo, au palais de justice de Montréal, d’avoir agressé sexuellement une de ses amies. Les faits décrits dans le jugement rappellent fortement ceux de l’affaire Simon Houle, un ingénieur de Trois-Rivières ayant suscité la controverse la semaine dernière en recevant une absolution conditionnelle même s’il a plaidé coupable pour agression sexuelle.

Pendant un voyage de chasse à Victoriaville, en septembre 2019, Robert Mitchell « a agressé sexuellement la plaignante pendant qu’elle dormait dans son lit, détaille le jugement. Elle pensait être en sécurité. L’accusé savait qu’elle était vulnérable cette nuit, puisqu’elle avait pris ses médicaments et qu’elle avait bu de l’alcool. Il a profité d’elle ».

« Dans le milieu de la nuit, [la victime] a senti l’accusé toucher son corps de façon sexuelle avec ses mains et son pénis, peut-on lire. Elle a aussi entendu des bruits comme si quelqu’un prenait des photos avec un téléphone cellulaire. Elle était incapable de parler ou d’émettre un bruit. Elle ne pouvait pas le pousser. Elle ne pouvait pas bouger. Elle avait seulement des souvenirs soudains, se rappelant seulement certains moments. »

Lorsque les policiers ont saisi le téléphone de Robert Mitchell, quelques mois après l’évènement, ils y ont trouvé des photos de la victime dénudée.

Cette dernière « s’est sentie extrêmement trahie après l’agression. Elle est devenue anxieuse et incertaine d’elle ». Elle s’est isolée de son entourage pendant plus de cinq mois, puis a trouvé « incroyablement difficile » de revivre les évènements en procès deux ans plus tard.

Le procureur, MCharles Doucet, demandait 30 mois d’emprisonnement dans ce dossier. L’avocate de la défense, MAudrey-Anne Laforme, espérait neuf mois.

« Attouchements significatifs »

En avril 2019, Simon Houle a effectué des mouvements de va-et-vient avec ses doigts dans le vagin de sa victime, alors qu’il était étudiant à l’université. Celle-ci s’était couchée habillée par-dessus les couvertures de son lit, avant de se faire réveiller par la lumière d’un appareil photo. Simon Houle avait relevé sa camisole et dégrafé son soutien-gorge pendant qu’elle dormait.

Les autorités ont retrouvé neuf photos issues de cet évènement dans le téléphone de l’agresseur.

Hugues Parent, professeur de droit criminel de l’Université de Montréal, affirme que les deux dossiers sont très similaires en ce qui concerne la « gravité du crime ».

« Nous sommes en présence d’attouchements significatifs aux parties génitales de la victime commis lors d’une agression unique, à l’égard d’une personne se trouvant dans un état de grande vulnérabilité », explique-t-il, ajoutant que les deux hommes n’avaient pas d’antécédents judiciaires au moment de l’agression.

Ce qui explique la différence

« On pourrait donc s’attendre, à première vue, à une plus grande similitude entre les peines, poursuit le professeur. Toutefois, il faut se garder de juger de la qualité des peines en matière d’agression sexuelle uniquement sur la base d’une comparaison rapide. »

D’une part, la peine de 18 mois est « en apparence sévère » pour un crime du genre aux yeux d’Hugues Parent, considérant que la juge Di Lallo s’appuie « sur une analyse très sommaire, voire quasi inexistante, des peines imposées en semblable matière » pour prendre sa décision.

De l’autre, le dossier de Simon Houle fait état d’une « décision très clémente, qui a été portée en appel et qui risque d’être renversée prochainement ».

Selon Hugues Parent, trois facteurs pourraient expliquer la peine plus sévère attribuée à Robert Mitchell.

D’abord, l’agresseur a également touché la victime avec son pénis, ce qui ne s’est pas produit dans le cas de Simon Houle. Ensuite, il y a eu un « abus de confiance », puisque Mitchell connaissait bien sa victime. Finalement, « Mitchell a exprimé des remords, mais une partie des regrets proviennent des conséquences qu’il a lui-même subies », note le professeur de droit criminel.

« Il faut retenir que nous sommes présentement engagés dans une période de transition dans le domaine des peines en matière sexuelle et, comme pour toutes les périodes de transition, il y a des perturbations dues à la manière de traduire la sensibilité accrue de la population face au problème des agressions sexuelles », souligne Hugues Parent.

Comme pour la fraude ou les agressions sexuelles envers les enfants, M. Parent s’attend à ce que le système judiciaire évolue prochainement pour se conformer à ce que tolère désormais la population, beaucoup plus conscientisée sur cet enjeu aujourd’hui.