Les avocats d’un Montréalais qui risque l’extradition aux États-Unis pour narcotrafic se sont adressés à la cour pour s’assurer que la prison de Rivière-des-Prairies lui donne accès à ses médicaments et à un médecin.

Les représentants d’Alexandre Beaudry, 31 ans, demandent aussi que l’établissement leur permette de rencontrer leur client et s’assure qu’il a bien reçu les documents laissés à l’accueil à son intention.

Beaudry est incarcéré à la demande de la Drug Enforcement Agency (DEA) américaine. Les États-Unis lui reprochent d’avoir vendu des millions de comprimés de Xanax de contrebande sur le web caché (dark web), sous différents pseudonymes. Il aurait ainsi empoché des centaines de millions de dollars en bitcoins, de 2015 à 2017.

Ses avocats comptent demander d’ici deux semaines sa libération en attendant la suite du processus judiciaire pour son extradition vers le Connecticut. D’ici là, ils veulent obtenir des améliorations à ses conditions de détention.

Arrêté la semaine dernière, le suspect souffrirait de violents maux de dos. Or, ses représentants n’arrivent pas à s’assurer qu’il prend tous les médicaments dont il a besoin à la prison de Rivière-des-Prairies, selon ce qu’ils ont expliqué en cour vendredi matin.

« Bien que l’infirmerie ait sa liste de médicaments, il ne les prend pas tous, pour une raison que j’ignore », dit Claude Boucher, l’un des avocats de Beaudry.

Ses communications avec la prison n’ont fait qu’ajouter à la confusion, dit-il.

« Il y en a une qui m’a dit qu’elle ne pouvait pas me répondre, a-t-il expliqué à la juge Éliane Perreault. L’autre m’a dit qu’elle n’a pas le droit de me parler.

Mais enfin, il me semble que quand un médecin prescrit une série de médicaments, ça devrait être donné au client !

Claude Boucher, l’un des avocats de M. Beaudry

« Manque de personnel »

Claude Boucher ajoute qu’il a beaucoup de mal à entrer en contact avec Beaudry. « On arrive à lui parler, mais en ce moment, ça fait huit jours qu’il est détenu et on a été dans l’impossibilité de le rencontrer », dit le criminaliste.

La prison aurait invoqué un « manque de personnel » pour lui refuser l’accès à son client.

« Le bureau des parloirs des avocats est fermé, raconte Claude Boucher. On ne peut pas fixer le rendez-vous. Il faut appeler la journée même et ils nous disent s’il y a des visites. »

Lors de l’audition de vendredi matin, la greffière au dossier a dit s’être informée auprès de la prison. L’établissement aurait affirmé que la situation était liée à un système de « bulles COVID-19 ».

« Recommandations » de la juge

À la demande de ses avocats, la juge Éliane Perreault a « recommandé » à la prison de remettre à Beaudry tous les médicaments qui lui sont prescrits et de lui faire voir un médecin.

Elle demande aussi à l’établissement de détention de fournir la preuve qu’il a bien reçu les documents de ses avocats, et de lui permettre de les rencontrer dès que possible.

Questionnés par La Presse, le ministère de la Sécurité publique et le cabinet de la ministre Geneviève Guilbault n’ont fait aucun commentaire. Impossible de savoir si des ajustements seront apportés.

« Honteux »

Selon une autre avocate de M. Beaudry, Debora De Thomasis, la situation dans laquelle se retrouve son client est représentative d’un problème généralisé dans les prisons québécoises.

« C’est honteux, ce qui se passe, dit-elle. C’est indigne d’un pays démocratique. »

Elle assure que les pénitenciers fédéraux donnent accès beaucoup plus facilement aux détenus.

Selon l’Association québécoise des avocats de la défense, le cas de Beaudry est loin d’être isolé. « Les conditions de détention en général sont contraires aux attentes primaires en matière de dignité humaine », s’indigne Marie-Pier Boulet, présidente de l’organisation.

Selon elle, Québec bafoue en ce moment les droits fondamentaux des détenus.

Les établissements de détention restent de marbre lorsque les avocats s’en plaignent, ajoute-t-elle. « Nous avons beau leur écrire, leur signaler des problèmes, les réponses ne viennent pas. »

À l’Association des avocats de la défense de Montréal, Élizabeth Ménard déplore quant à elle les informations « complètement contradictoires » qu’elle reçoit des prisons.

Selon elle, les tribunaux n’arrivent même pas toujours à se faire obéir par les établissements de détention. « Les juges demandent parfois que des détenus soient amenés à la cour, mais ils ne sont pas amenés ! »

En savoir plus
  • AlpraKing, BenzoChems, Quantik, QuantikXanax, Montfort, Exilus, Evolyx
    Différents pseudonymes que la DEA soupçonne Beaudry d’avoir utilisés sur le web caché
    Source : Requête fédérale ex-parte (en l’absence DE L’AUTRE PARTIE) pour obtenir un mandat d’arrestation contre Beaudry
    15 millions
    Nombre de comprimés de Xanax qu’AlpraKing – un des surnoms qu’Alexandre Beaudry est soupçonné d’avoir utilisé – s’est vanté d’avoir vendu, surtout aux États-Unis
    Source : Requête des États-Unis pour obtenir son arrestation à Montréal