Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) en appellera de la décision d’un juge d’accorder une absolution conditionnelle à un ingénieur de Trois-Rivières à l’origine de l’agression sexuelle d’une femme dont il a photographié les parties intimes.

« À la suite de la tenue d’un Comité des appels le 23 juin, il a été décidé que la peine imposée à Simon Houle sera portée en appel par le DPCP. Une requête pour permission d’en appeler est en cours de rédaction et sera déposée au greffe de la Cour d’appel d’ici le 21 juillet », a indiqué mardi la porte-parole du DPCP, MAudrey Roy-Cloutier.

La victime a été avisée de cette intention, précise-t-elle également. Rappelons qu’une ordonnance limitant la publication de tout renseignement permettant de l’identifier est toujours en vigueur.

Au lendemain de la publication de plusieurs articles faisant état de ce jugement controversé, l’employeur de l’ingénieur Simon Houle, Canimex, a confirmé que ce dernier avait été licencié. Selon nos informations, l’homme était alors en vacances à l’étranger.

Sans vouloir détailler les raisons de cette décision, le vice-président des ressources humaines de l’entreprise, Michel Goulet, a mentionné « les valeurs de [l’]organisation qu’il n’était pas en mesure de maintenir ».

Neuf photos

Les évènements à l’origine de cette controverse se sont produits en avril 2019, au moment où Simon Houle, aujourd’hui ingénieur, étudiait toujours à l’université.

La victime et lui étaient alors dans un bar avec des amis. À la fermeture de l’établissement, plusieurs membres du groupe, dont l’accusé et la victime, ont poursuivi leur soirée au logement d’un ami.

Au terme de la soirée, après s’être couchée tout habillée et par-dessus les couvertures, la victime s’est fait réveiller par la lumière d’un appareil photo. Elle a alors senti des doigts dans son vagin qui faisaient un mouvement de va-et-vient. Sa camisole était relevée et son soutien-gorge, dégrafé.

Pas moins de neuf photos où la victime se reconnaît ont été récupérées plus tard dans le cellulaire de Simon Houle. C’est à la suite de cette découverte qu’un ami de la victime l’a prévenue et qu’elle a porté plainte.

Des conséquences importantes

Simon Houle a alors été arrêté. Demeuré en liberté pendant toute la durée du processus judiciaire, il a plaidé coupable, deux ans plus tard, à des accusations d’agression sexuelle et de voyeurisme.

La Couronne réclamait 18 mois de prison pour ces crimes. Leurs conséquences sur la victime sont importantes, note le juge Matthieu Poliquin, dont la nomination a été annoncée par Québec il y a moins d’un an, soit le 16 septembre 2021.

« Tristesse, déception, colère, frustration, honte, gêne, crainte de croiser l’accusé, hypervigilance, perte de confiance en elle, difficulté à faire confiance aux autres, isolement, insomnie, cauchemars, sentiment de culpabilité et d’injustice », énumère-t-il dans son jugement rendu le 21 juin dernier.

Qui plus est, elle a été en arrêt de travail pendant cinq mois, une situation dont elle a vécu les répercussions financières pendant deux ans.

« Une personne de bonne moralité »

Malgré tout, Simon Houle a pu s’en tirer avec une absolution conditionnelle assortie d’une probation de trois ans et de plusieurs conditions, dont celle de ne pas se trouver en présence physique de la victime.

Le juge Matthieu Poliquin justifie sa décision par le fait que, même si « l’accusé n’a pas mené une vie parfaite » – Simon Houle a déjà été condamné dans un dossier d’alcool au volant –, « il a généralement démontré être une personne de bonne moralité ».

De plus, une condamnation aurait à son égard des conséquences particulièrement négatives et disproportionnées, alors qu’il pourrait difficilement voyager à l’extérieur du pays, ce qui risquerait possiblement d’entraver sa carrière d’ingénieur.

Extrait du jugement du juge Matthieu Poliquin, à propos de Simon Houle

« Il y a une victime et un seul évènement, lequel se déroule somme toute rapidement », note par ailleurs le magistrat au moment d’évaluer la peine adéquate à imposer à Simon Houle.

Le juge relève par ailleurs que Simon Houle a reconnu « un autre geste d’agression commis en 2015, mais non judiciarisé » dans le cadre d’une psychothérapie qu’il a entreprise après sa mise en accusation. Selon le magistrat, cet aveu « démontre [le] désir de transparence » de l’accusé.

Québec réagit

Le ministre de la Justice du Québec, Simon Jolin-Barrette, a réagi lundi à l’absolution conditionnelle de Simon Houle en disant qu’il pouvait « tout à fait comprendre le désarroi et la frustration des personnes victimes ».

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Simon Jolin-Barrette, ministre de la Justice du Québec

« Compte tenu des procédures judiciaires en cours, nous ne ferons pas d’autres commentaires aujourd’hui », a conclu son cabinet.

L’Ordre des ingénieurs, dont Simon Houle est toujours membre, a affirmé de son côté prendre « au sérieux la réputation et la dignité associée » au titre réservé d’ingénieur. « Toutefois, en vertu du droit professionnel, l’Ordre ne peut pas commenter de dossier spécifique », a-t-on souligné.

« Il est à noter que le Code des professions prévoit que les membres d’ordres professionnels – dont les ingénieurs – peuvent faire l’objet d’une sanction disciplinaire s’ils sont déclarés coupables ou plaident coupables à une infraction criminelle », précise-t-on également.