(Montréal) Dans une mobilisation inédite, les avocats de la défense de tous les horizons ont fait la grève lundi dans les palais de justice du Québec afin de réclamer au gouvernement Legault une réforme majeure des mandats d’aide juridique. Si Québec ne bouge pas, les avocats sont même prêts à boycotter complètement les mandats.

« C’est malheureux, parce que ce n’est pas ce qu’on souhaite. Mais les montants versés pour les mandats sont dérisoires, alors il faut prendre les grands moyens, sinon, on ne se fait pas entendre », explique Me Élizabeth Ménard, présidente de l’Association des avocats de la défense de Montréal (AADM) et porte-parole du Mouvement pour la réforme de la structure tarifaire de l’aide juridique.

Des centaines d’avocats de la défense à travers le Québec ont accepté de reporter leurs causes lundi et mardi dans le cadre des moyens de pression. Quelques dizaines d’avocats ont fait sentir leur présence dans la rue Notre-Dame, devant le palais de justice de Montréal. Même les avocats en pratique privée qui ne prennent pas de mandats d’aide juridique se sont joints au mouvement. Seules les causes urgentes ont donc été entendues lundi.

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Des avocats rassemblés devant le palais de justice de Montréal, lundi matin

Les avocats de la défense dénoncent depuis des années les tarifs d’aide juridique « dérisoires » en matière criminelle. Selon la nature du crime, les avocats de la défense obtiennent de 415 $ à 600 $ par mandat, et ce, peu importe la durée du dossier. Le montant est donc le même que le client plaide coupable à la première occasion ou au terme d’un long procès. Un mécanisme qui incite les avocats à négocier des reconnaissances de culpabilité.

Un impact négatif sur l’accessibilité à la justice

« Les avocats en pratique privée ne sont pas obligés de prendre un mandat d’aide juridique. Mais pour ceux qui décident de le faire, il y a énormément de bénévolat. Les avocats font beaucoup d’heures qui ne sont pas rémunérées. Ils sont épuisés, fatigués », ajoute Me Ménard.

Surtout, cette façon de payer les avocats a un impact « néfaste » sur l’accessibilité à la justice, ajoute-t-elle. En effet, 75 % des causes criminelles sont traités par des mandats d’aide juridique au Québec. Parmi ceux-ci, les deux tiers sont remplis par des avocats de pratique privée et l’autre tiers par des avocats salariés du gouvernement. Ces derniers réclament d’ailleurs à Québec un rattrapage salarial au même niveau que les procureurs de la Couronne.

Depuis le 20 juin, les avocats boycottent les mandats d’aide juridique dans les dossiers de nature sexuelle et de violence conjugale parce qu’ils prennent un temps de préparation « important » et impliquent la rédaction de procédures judiciaires « exigeantes », soutiennent les avocats de la défense.

Me Ménard craint que le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, s’apprête à « tabletter » le rapport final d’un groupe de travail indépendant sur la réforme de la structure tarifaire de l’aide juridique. De nombreuses recommandations des associations d’avocats de la défense se retrouvent dans ce rapport.

Au cabinet du ministre Jolin-Barrette, on soutient être en train d’analyser « de façon sérieuse » les 180 recommandations du rapport final du Groupe de travail indépendant. « Nous travaillons vers un seul objectif : offrir des services juridiques efficaces et accessibles », assure Marc-André Gosselin, attaché de presse du ministre.