Damiano et sa conjointe célébraient leur 48anniversaire de mariage à La Perle vietnamienne, leur restaurant de prédilection. Leur soirée festive a été interrompue quand Bernard Cherfan, entrepreneur proche du crime organisé, a été tué d’une balle à la tête mercredi soir sous leurs yeux. Il était attablé dans ce restaurant familial de Laval.

« Je me suis retourné. Il était mort », relate le résidant de Laval, venu récupérer son véhicule jeudi matin. Des policiers ont tenté de réanimer le défunt, sans succès, ajoute-t-il.

Quelques mètres plus loin, l’imposant Range Rover blanc de la victime, proche du tueur à gages Frédérick Silva, est toujours visible.

Peu après les deux détonations, les convives attablés se sont réfugiés sous les tables, se souvient le témoin.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Damiano était au restaurant avec sa conjointe lorsque le meurtre s’est produit.

C’était épeurant. J’ai vu une douille par terre. Il y avait du sang partout. Il y avait des enfants proches, mais ils sont restés calmes.

Damiano, présent au moment du meurtre

Le couple est sorti de l’établissement peu après l’arrivée des policiers. Une fois à la maison, sa panique s’est dissipée.

« On en voit tellement à Laval. On est désensibilisés. Tout est banal. »

Sentiment d’insécurité

Des résidants présents au lendemain du drame ont exprimé leurs craintes face à l’impunité des criminels, qui tirent « à toute heure du jour dans des coins achalandés ».

« C’est choquant. Les gens rentrent du travail, les familles vont souper », s’inquiète Raphaël Martineau, qui travaille dans le commerce qui fait face au restaurant où s’est produit le meurtre.

  • Les traces du meurtre étaient encore bien visibles jeudi matin.

    PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

    Les traces du meurtre étaient encore bien visibles jeudi matin.

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« Il y avait facilement une centaine de personnes dans ce restaurant et dans le parking, dont des enfants », décrit Yvan Levasseur, présent dans le stationnement quelques minutes après le drame.

« Ça nous ébranle. Je ne m’attends pas à avoir la mafia et les gangs de rue dans un restaurant familial », souligne le Lavallois.

Proche du milieu criminel

Bernard Cherfan était proche des frères Frenn, soupçonnés d’être des importateurs de cocaïne, selon nos sources policières.

Il aurait aussi entretenu des liens avec Stefano Sollecito, considéré jusqu’à récemment comme le chef du clan sicilien de la mafia à Montréal.

Pendant le procès du tueur à gages Frédérick Silva, un enquêteur a expliqué en cour comment les policiers avaient soupçonné ce dernier de se cacher avec Bernard Cherfan pendant sa cavale.

Un autre homme proche de Frédérick Silva, Sébastien Giroux, a été tué par balle à Montréal le 11 mai dernier.

Tolérance zéro, dit le directeur du SPL

« Soyons clairs, c’est choquant, c’est inacceptable et on ne tolérera pas ça », a réagi Pierre Brochet, directeur du Service de police de Laval (SPL). « Ça me fait mal au cœur de voir que des enfants ont assisté à un meurtre. »

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Pierre Brochet, directeur du Service de police de Laval

Le crime organisé facilite l’entrée et la distribution des armes au Québec, poursuit-il. « En plus de faire ça, on fait des règlements de comptes dans des restaurants à l’heure du souper », s’indigne-t-il.

Des tensions se font sentir au sein du crime organisé dans les derniers mois, menant à des évènements de violence urbaine imprévisibles.

Des règlements de comptes dans des endroits publics durant la journée sont survenus dans le passé, mais ce n’est pas la norme. « C’est difficile à comprendre qu’ils agissent ainsi. Ils mettent beaucoup de chaleur autour d’eux. »

Le territoire appartient aux citoyens lavallois et non aux criminels, soutient M. Brochet.

L’enquête concernant le meurtre de Cherfan a été transférée à la Sûreté du Québec (SQ), vu les liens étroits avec le crime organisé.

L’escouade urgence sociale du SPL, composé d’une quinzaine de travailleurs sociaux, sera utilisée pour soutenir les familles présentes dans le restaurant mercredi soir.

On prend aussi des mesures d’atténuation en faisant du porte-à-porte dans les environs, on va augmenter notre présence et notre visibilité. On ne peut pas tolérer ça.

Pierre Brochet, directeur du Service de police de Laval

Le maire de Laval, Stéphane Boyer, a réagi en prenant l’engagement de ne pas réduire les budgets accordés au renseignement policier même lorsque la situation se sera calmée.

« Pour lutter contre le crime de façon sérieuse, ça prend un plan à court, moyen et long terme. Il n’y a pas de solution simpliste. Court : le SPL doit être plus visible. Moyen : doubler nos équipes de renseignement. Long : la prévention », a-t-il indiqué sur Twitter.

Avec Vincent Larouche et Vincent Larin, La Presse