Chronologie d’un interminable dérapage de quatre ans, qui s’est achevé par l’enlisement de la machine anticorruption du Québec et un autre arrêt Jordan pour délais déraisonnables.

17 mars 2016

Le jour même où le gouvernement de Philippe Couillard présente son budget, l’Unité permanente anticorruption (UPAC) arrête sept personnes, dont les ex-ministres libéraux Nathalie Normandeau et Marc-Yvan Côté. Ils sont accusés de complot, corruption, fraude et abus de confiance. Leur arrestation fait suite aux projets Joug et Lierre sur la firme de génie Roche et des allégations de dons politiques et de cadeaux en échange de contrats publics.

31 mars 2016

L’émission Enquête de Radio-Canada publie des courriels échangés entre l’ancien président du Conseil du trésor Sam Hamad et Marc-Yvan Côté de 2008 à 2012, sous le règne de Jean Charest. Les messages démontrent que M. Hamad est une source d’information stratégique pour M. Côté, devenu vice-président du producteur de tourbe Premier Tech. Ce poids lourd du financement libéral s’activait quant à lui à trouver des fonds pour Sam Hamad.

5 avril 2016

Le journaliste Louis Lacroix publie dans L’actualité un article mentionnant un certain « Pierre » qui contacte des journalistes en disant détenir de la preuve amassée contre Mme Normandeau.

24 avril 2017

Le Journal de Montréal et TVA publient un article basé sur une fuite du Projet Mâchurer sur le financement du Parti libéral du Québec (PLQ). Ils dévoilent comment l’ex-premier ministre Jean Charest et l’ancien grand argentier du Parti Marc Bibeau ont fait l’objet de surveillance policière jusqu’en 2016.

28 avril 2017

L’UPAC commande une enquête administrative pour faire la lumière sur les fuites dans le projet Mâchurer. « Je souhaite qu’on trouve le bandit qui a fait ça », déclare plus tard son commissaire Robert Lafrenière en commission parlementaire.

Juin 2017

Fin de l’enquête administrative. Dans une rencontre d’information, son responsable Mario Fournier identifie une série de suspects : le député Guy Ouellette, l’ancienne analyste anticollusion Annie Trudel, l’ex-entrepreneur et témoin à la commission Charbonneau Lino Zambito, l’enquêteur de l’UPAC congédié Richard Despaties et l’enquêteur de la SQ à la retraite Yves Messier.

Juin 2017

Robert Lafrenière et le directeur des opérations à l’UPAC, André Boulanger, lancent une nouvelle enquête criminelle : le fameux Projet A. La lieutenante Caroline Grenier-Lafontaine en sera responsable. Elle relèvera de M. Boulanger, qui est aussi son conjoint. Leurs suspects principaux sont Guy Ouellette, ainsi que Richard Despaties et un autre policier de l’UPAC, Stéphane Bonhomme, soupçonnés d’avoir remis des documents au député.

25 octobre 2017

L’UPAC arrête le député Guy Ouellette, ainsi que les anciens policiers de l’Unité Richard Despaties et Stéphane Bonhomme.

Janvier à mai 2018

Marc-Yvan Côté et Nathalie Normandeau veulent faire annuler leur procès en raison des fuites dans les médias, et M. Côté tente de forcer les journalistes Marie-Maude Denis et Louis Lacroix à révéler leurs sources sur les projets Joug et Lierre. Après une première décision en faveur des journalistes, le débat se transporte en Cour supérieure, qui décide que Marie-Maude Denis doit identifier sa source. L’affaire se rend à la Cour suprême, qui infirme la décision de la Cour supérieure.

Mars 2018

La Cour du Québec rejette une première requête en arrêt des procédures de Nathalie Normandeau, Marc-Yvan Côté et les quatre autres accusés restants pour délais déraisonnables en vertu de l’arrêt Jordan.

Août 2018

L’UPAC transfère la responsabilité de l’investigation à un enquêteur indépendant. Des agents de l’Unité affirment que le directeur des opérations André Boulanger, la lieutenante Caroline Grenier-Lafontaine et le commissaire Lafrenière sont les auteurs de « fuites contrôlées ». Ils allèguent aussi que M. Boulanger oriente le travail en disant aux policiers sur quelles fuites ils doivent enquêter.

Septembre 2018

L’enquêteur indépendant informe confidentiellement le ministère de la Sécurité publique d’allégations d’abus de confiance et d’entrave à la justice à l’endroit de M. Boulanger et d’abus de confiance à l’égard de M. Lafrenière.

1er octobre 2018

Robert Lafrenière annonce qu’il démissionnera le 2 novembre à titre de patron de l’UPAC.

25 octobre 2018

Le ministère de la Sécurité publique confie au Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) le mandat d’enquêter sur les fuites à l’UPAC et sur la façon dont l’Unité a mené le Projet A : c’est le début du Projet Serment.

Décembre 2018

En Cour suprême, le ministère public affirme que l’implication des suspects de l’UPAC – Guy Ouellette, Richard Despaties et Stéphane Bonhomme – est peu probable. Les enquêteurs du Projet Serment au BEI soupçonnent plutôt Robert Lafrenière, André Boulanger, le conseiller stratégique Martin Barabé, la directrice des communications Anne-Frédérick Laurence, Caroline Grenier-Lafontaine et Mathieu Venne, enquêteur dans les projets Joug et Lierre.

Janvier 2019

Le BEI informe le ministère de la Sécurité publique d’allégations d’entrave à la justice, d’abus de confiance, de menaces et représailles, d’intimidation, d’extorsion, de fraude à l’identité et d’interception illégale de communications contre André Boulanger. Sa conjointe Caroline Grenier-Lafontaine est aussi soupçonnée d’entrave à la justice, d’abus de confiance, de fraude à l’identité et d’interception illégale de communications. Un autre lieutenant de l’UPAC, Vincent Rodrigue, est soupçonné d’entrave à la justice et d’abus de confiance.

Août 2019

Le ministère public annonce qu’il abandonne plusieurs chefs contre Nathalie Normandeau, Marc-Yvan Côté et les autres accusés des projets Joug et Lierre.

Octobre 2019

Dans une déclaration sous serment, l’enquêteur principal du BEI dans le Projet Serment indique que les principaux suspects sont Robert Lafrenière, André Boulanger, Caroline Grenier-Lafontaine, Vincent Rodrigue, tous des anciens de l’UPAC, ainsi que Martin Prud’homme, patron de la SQ suspendu et gendre de M. Lafrenière.

Septembre 2020

Le juge André Perreault, de la Cour du Québec, prononce l’arrêt du processus judiciaire contre Nathalie Normandeau, Marc-Yvan Côté et les autres accusés des projets Joug et Lierre pour violation de leur droit à un procès dans des délais raisonnables.