Alors qu’elle nageait en plein mystère au début du mois d’avril, la juge en chef de la Cour du Québec, l’honorable Lucie Rondeau, a visiblement appris, un mois et demi plus tard, certaines choses sur le procès secret dont la tenue a été rendue publique par la Cour d’appel et par La Presse fin mars.

Le 25 mars, La Presse a révélé comment la Cour d’appel avait découvert la tenue au Québec d’un procès criminel secret dont toutes les traces avaient été effacées. L’accusé, un informateur de police appelé « personne désignée » dans l’arrêt de la Cour d’appel, aurait été condamné pour un crime sans qu’un numéro de dossier soit inscrit au rôle des affaires traitées par la cour.

Le jugement qui le condamnait ne portait pas de numéro de dossier ni de district, et des témoins auraient été interrogés à l’extérieur de la cour, sans que les procédures soient archivées normalement au greffe d’un palais de justice.

Le juge de première instance a rendu une décision sans entendre les témoins, mais en lisant les transcriptions de leurs témoignages. Le nom du magistrat et ceux des avocats de la poursuite et de la défense sont inconnus.

« En somme, aucune trace de ce procès n’existe, sauf dans la mémoire des personnes impliquées », ont conclu les trois juges du plus haut tribunal du Québec chargés de réviser cette affaire.

31 paragraphes sur 40

Après l’onde de choc créée par la publication de cette décision, Mme Rondeau a tenté, en vain, de connaître le nom du juge de première instance qui avait présidé le procès secret.

Ses avocats ont déposé au début du mois d’avril une requête demandant à la Cour d’appel de lui remettre, sous scellé, le dossier de première instance.

Ils ont déposé il y a quelques jours une nouvelle requête amendée accompagnée d’un argumentaire d’une douzaine de pages fortement caviardé.

IMAGE TIRÉE DE LA REQUÊTE DE LA JUGE EN CHEF

La page 1 de l’« argumentation écrite » de la juge en chef

Sur les 40 paragraphes de l’argumentaire, 31 sont entièrement ou partiellement caviardés, notamment l’ensemble des 7 paragraphes d’une section intitulée « Les faits ».

« Depuis le dépôt de sa requête, l’honorable juge Rondeau a effectivement reçu des informations qui sont pour le moment confidentielles en raison du privilège de l’informateur », a indiqué à La Presse l’avocat de la juge en chef, MMaxime Roy.

Mme Rondeau est-elle parvenue à obtenir le nom du juge qui a présidé le procès secret ? Les noms des avocats impliqués ? La nature du délit ? La raison pour laquelle le procès a été tenu secrètement ? On l’ignore pour le moment.

C’est à regret que nous avons été obligés de tant caviarder notre argumentation, car pour la juge Rondeau, la publicité des débats est très importante et nous souhaitons que les démarches des médias en Cour d’appel permettent d’éclairer le public.

MMaxime Roy

Plusieurs médias, dont La Presse, ont déposé des requêtes en Cour d’appel pour faire annuler les ordonnances interdisant l’accès au dossier du procès secret. Les requêtes seront débattues le 6 juin prochain.

Le ministre de la Justice du Québec, Simon Jolin-Barrette, a de son côté demandé à ses procureurs d’entreprendre des démarches pour que le nom du juge soit dévoilé au public.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.