La liberté d’expression ne peut servir d’excuse pour entrer illégalement dans un lieu privé, a rappelé mardi la Cour d’appel du Québec, en infirmant l’acquittement de Raphaël Lévesque. Le leader du groupe d’extrême droite Atalante est donc coupable d’être entré par effraction dans les locaux de VICE Québec avec six hommes masqués en 2018.

Le haut tribunal de la province a relevé mardi plusieurs erreurs en droit majeures commises par la juge Joëlle Roy, qui avait acquitté sur toute la ligne Raphaël Lévesque en juin 2020. La juge de la Cour du Québec trouvait « justifié et légitime » que l’accusé et ses sbires masqués entrent dans les locaux de VICE grâce à un subterfuge en mai 2018 pour remettre un trophée rempli de mégots au journaliste Simon Coutu.

« Le tout se déroule pacifiquement, sans cris, sans heurts, sans insultes et sans vulgarité », avait conclu la juge Roy. Les huit hommes avaient lancé des dizaines de tracts et des nez de clown sur les bureaux des journalistes sous le choc.

Or, la juge Roy n’aurait pas dû « excuser » l’introduction par effraction au motif que l’évènement s’était déroulé « pacifiquement ». « Un comportement paisible ou exempt d’agressivité ne peut constituer une excuse pour s’introduire dans un lieu », conclut la Cour d’appel.

Également, la « liberté de parole » ne peut être invoquée pour excuser une introduction par effraction, ajoute la Cour d’appel. La juge Roy avait conclu que le leader d’extrême droite était simplement venu « exprimer son opinion sur un sujet donné qui le concerne », a affirmé la juge Roy. Le journaliste Simon Coutu avait écrit de nombreux articles sur le groupe d’extrême droite Atalante.

Ainsi, la question n’était pas de savoir si les employés de VICE se sont sentis « harcelés, menacés ou intimidés », mais plutôt si « l’exploitation légitime du local de VICE a été empêchée, interrompue ou gênée », analyse la Cour d’appel dans ce jugement technique de 26 pages.

« Sentiment d’intimidation »

« De façon concertée, lui et ses acolytes ont fait du tintamarre lors de leur irruption dans le local de VICE. Ils ont aussi fait jouer de la musique avec un volume élevé et lancé sur le sol plusieurs objets, sans compter le sentiment d’intimidation ressenti par les employés de VICE en présence d’un groupe important d’hommes masqués agissant sous la direction de [M. Lévesque] », affirme la Cour d’appel.

Pendant le procès, la juge Roy avait été exceptionnellement dure à l’égard du procureur de la Couronne MJimmy Simard, lui reprochant avec véhémence son ton « inapproprié », « agressif » et « agressant » envers le Tribunal, ainsi que son « attitude à proscrire ».

La juge Roy avait notamment explosé, lorsque MSimard avait soutenu que le logo du groupe Atalante Québec ressemblait au signe des SS du régime nazi. Une information pertinente puisque Raphaël Lévesque évoque les exactions nazies dans les paroles de plusieurs chansons de son groupe de musique.

« Là, vous dépassez complètement les limites […] Je n’entrerai pas dans les signes des SS ! », avait tonné la juge Roy.

Raphaël Lévesque sera de retour en cour pour les observations sur la peine.