Même si Denis Blanchette a été assassiné le soir de l’élection de Pauline Marois en 2012, le plan de sécurité de la Sûreté du Québec « va être le même » si un parti politique célèbre sa victoire aux élections au Métropolis (maintenant le MTELUS) en octobre prochain, a affirmé en cour le responsable de la sécurité du premier ministre.

« Le plan de sécurité de base va être le même. […] La recette, c’est la même de 2012 à 2022 », a témoigné le lieutenant Pierre Bertrand de la Sûreté du Québec (SQ) jeudi au procès civil intenté par des survivants de l’attentat. Ce policier est le responsable de l’unité de protection rapprochée des dignitaires de la SQ. Il pilote ainsi la protection du premier ministre du Québec et celle des quatre principaux chefs de parti pendant la campagne électorale.

Le lieutenant Bertrand témoignait jeudi dans le cadre d’une requête des médias, dont La Presse, visant à contester une demande de huis clos et de non-publication réclamée par le Procureur général du Québec pour protéger de nombreux éléments touchant les mesures de sécurité en 2012.

Quatre survivants de l’attentat poursuivent la Sûreté du Québec et le Service de police de la Ville de Montréal pour les dommages subis en raison de la sécurité déficiente ce soir-là. Selon leur témoignage, aucun policier n’était présent derrière le Métropolis pour barrer le chemin à Richard Henry Bain, qui a tué Denis Blanchette et blessé gravement Dave Courage.

Devant le juge, le lieutenant Bertrand a répété à plusieurs reprises que rien n’avait sensiblement changé en matière de sécurité des personnalités entre 2012 et 2022.

On applique les mêmes méthodes. De 2012 à aujourd’hui, la base, c’est la même.

Le lieutenant Pierre Bertrand, de la Sûreté du Québec

À son avis, révéler les méthodes de son escouade mettrait « les dignitaires en danger ».

Quand il est questionné sur un hypothétique rassemblement politique au Métropolis le soir des prochaines élections, le lieutenant soutient que la « recette » serait la même. Il évoque néanmoins des « améliorations à avoir […] au niveau des relations avec les partenaires » dans la foulée d’un rapport.

Selon l’avocat des quatre survivants, un huis clos sur les mesures de sécurité a pour but de « cacher des choses au grand public ». « Un huis clos, c’est juste alimenter des gens qui pensent que la police fait mal sa job », a affirmé MAlain Arsenault. Le juge Philippe Bélanger devra trancher la question.

« On a servi de bouclier humain ! »

Dix ans plus tard, Gaël Ghiringhelli ne décolère pas. « On a servi de bouclier humain ! », fulmine l’ex-technicien de scène. Hanté par le regard de son collègue blessé et habité par la rage, le survivant s’est résigné à quitter le Québec pour retourner en France. Tous ses rêves se sont écroulés le 4 septembre 2012.

« Comment je peux estimer tout ce que j’ai perdu ? J’ai perdu 10 ans de ma vie… J’ai été forcé de quitter le Québec, parce que je n’ai plus rien. Je souffre ! Et j’en ai marre de souffrir ! Je voulais m’intégrer au Québec, sacrer comme tout le monde ! », vocifère Gaël Ghiringhelli, la voix brisée par l’émotion.

Un peu avant minuit, ils sont une douzaine de techniciens agglutinés dans les escaliers de l’entrée des artistes à l’extérieur du Métropolis. Soudain, Gaël Ghiringhelli entend une « grosse détonation ». Dave Courage tombe à côté de lui. Il le traîne à l’intérieur avec une collègue, puis éponge les saignements abondants de son ami. « Dave délire un peu. Tout le monde crie, c’est insupportable », raconte-t-il.

« J’oublierai jamais ce regard. Un regard qui me demande : “Est-ce que je vais m’en sortir, man ?” », lâche Gaël Ghiringhelli, la voix cassée. Dave Courage est alors gravement blessé, atteint à la hanche par la balle qui vient de tuer Denis Blanchette.

Dans la nuit, un enquêteur le somme de ne parler à personne des évènements.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Gaël Ghiringhelli au procès de Richard Henry Bain, en novembre 2016

J’ai perçu ça comme une menace. Se faire dire “ferme ta gueule”, ça fait mal !

Gaël Ghiringhelli, technicien de scène présent le soir de l’attentat du Métropolis

Gaël Ghiringhelli est habité d’une fureur permanente. Une question le tenaille : comment Richard Henry Bain a-t-il pu s’approcher « aussi facilement » ?

« S’il y avait eu un seul policier en uniforme visible ! Comment ça peut arriver un soir d’élections ? Il y a eu plus de policiers quand Céline Dion et Prince sont venus ! », s’emporte-t-il.

« C’est une question de sécurité flagrante ! », martèle-t-il. D’ailleurs, si l’arme de Richard Henry Bain ne s’était pas, par miracle, enrayée, « les 12, on y passait aussi ! », s’exclame-t-il.

Le procès se poursuit ce vendredi au palais de justice de Montréal.