Vincent Boulanger, secrétaire de la section des Hells Angels de Montréal et l’un des motards les plus influents au Québec selon la police, a été arrêté tôt ce matin, a appris La Presse.

Boulanger, 50 ans, a été appréhendé vers 5 h après que les membres du Groupe tactique d’intervention (GTI) du Service de police de l’agglomération de Longueuil ont fait irruption dans sa résidence de l’arrondissement Saint-Hubert, à Longueuil, sur la Rive-Sud de Montréal.

Boulanger, qui était seul dans son condo au moment de l’arrivée des policiers casqués, n’a offert aucune résistance. Il est demeuré de glace lorsqu’il est sorti de l’immeuble, menotté et escorté d’un enquêteur. Le motard a été transporté au quartier général de la Sûreté du Québec, rue Parthenais à Montréal, pour y être interrogé. Il a été accusé de gangstérisme, complot et trafic de stupéfiants mardi après-midi, au palais de justice de Montréal.

Selon nos informations, Boulanger est soupçonné d’être le parrain d’un consortium d’individus appelé la Fratrum et qui serait impliqué dans diverses activités criminelles, dont des réseaux de trafic de stupéfiants dans les régions de Saint-Jérôme, dans les Laurentides, et de Sherbrooke, en Estrie.

Le motard aurait perçu des taxes de location de territoires de trafic de stupéfiants et aurait réglé des conflits survenus durant l’enquête policière amorcée à la fin de 2018.

Outre Boulanger, dix autres individus ont été arrêtés mardi à Montréal, Terrebonne, Saint-Jérôme, Ange-Gardien, Lac-Mégantic et Sherbrooke.

Jonathan Gravel, 36 ans de Terrebonne, Yann Graveline-L’Écuyer, 37 ans de Saint-Jérôme et Mikael Lauzon, 31 ans de Trois-Rivières – qui était déjà détenu –, ont comparu à Montréal. Ils font face aux mêmes chefs que Boulanger, mais Graveline-L’Écuyer et Lauzon sont aussi accusés de séquestration et de menaces contre une personne qu’on ne peut identifier. La Poursuite s’est opposée à leur remise en liberté et leur enquête sur cautionnement a été fixée, pour la forme, au 25 mars.

Un cinquième individu, Gianni D’Alfonso, 49 ans, de l’arrondissement de Saint-Léonard à Montréal, a été accusé de participation aux activités d’une organisation criminelle.

Il a été remis en liberté provisoire sous plusieurs conditions et a dû déposer une somme de 10 000 $.

200 000 conversations interceptées

Durant l’enquête, baptisée Percuter et menée par l’Escouade nationale de répression du crime organisé (ENRCO), les limiers auraient intercepté plus de 200 000 sessions d’écoute électronique, selon un document judiciaire obtenu par La Presse.

Les enquêteurs ont également effectué une vingtaine de perquisitions, dont l’une en décembre 2020, dans un immeuble de la rue Hochelaga, à Montréal, où se trouvait autrefois le centre de conditionnement physique Pro Gym.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Le 3 décembre 2020, les enquêteurs ont effectué une perquisition dans un salon d’esthétisme situé derrière le Pro Gym.

Au début de l’enquête, avant la pandémie de la COVID-19, Boulanger aurait régulièrement fréquenté le Pro Gym où certains de ses associés et leurs conjointes auraient ouvert un salon de beauté et une école d’arts martiaux mixtes également perquisitionnés pour des soupçons de blanchiment d’argent.

Un autre Hells Angels, Christian Ménard, membre de la section de Sherbrooke, a été vice-président du Pro Gym selon sa page Facebook, et a fait quelques apparitions publiques pour demander des assouplissements des mesures sanitaires, au plus fort de la pandémie.

Le condo de Boulanger avait également été visité par les enquêteurs il y a un an.

Les arrestations de mardi seraient également reliées avec une frappe baptisée Renaissance menée en octobre 2020 par l’escouade de lutte au crime organisé de la police de Saint-Jérôme au cours de laquelle de la cocaïne et d’autres stupéfiants ont été saisis en différentes quantités.

D’après nos renseignements, durant les perquisitions en cours d’enquête, les limiers auraient notamment mis la main, outre la drogue, sur une importante quantité d’argent et plusieurs vêtements et objets à l’effigie des Hells Angels, dont des vestes.

SharQc et Kayak

Vincent Boulanger est un ancien membre de la section de Sherbrooke qui est passé dans les rangs du chapitre de Montréal au cours des dernières années.

Son statut de secrétaire fait en sorte qu’il est en lien avec les autres sections du Québec et du Canada et serait notamment impliqué dans les questions d’argent.

Vincent Boulanger a été arrêté lors de la vaste rafle anti-motards SharQc menée en 2009, mais il a fait partie du groupe des 31 individus accusés de trafic de stupéfiants libérés en mai 2011, car le juge James L. Brunton de la Cour supérieure appréhendait des délais déraisonnables majeurs dans la tenue des mégaprocès.

Deux ans plus tard, Boulanger a été arrêté dans une opération baptisée Kayak qui visait un réseau de trafic de stupéfiants actif dans les Cantons de l’Est. Il a reconnu sa culpabilité à des chefs de complot et de trafic de stupéfiants, et a été condamné à 45 mois d’emprisonnement en décembre 2015.

Vincent Boulanger a fait partie d’un groupe de Hells Angels qui s’étaient retrouvés dans une zone réservée autour de l’arène lors d’un gala de boxe tenu au Centre Pierre-Charbonneau à Montréal en septembre 2019. L’affaire avait rebondi lors d’une cause devant la Régie des alcools, des courses et des jeux.

Certains facteurs, dont la pandémie, expliqueraient pourquoi les enquêteurs procèdent aux arrestations trois ans après le début de l’enquête Percuter.

L’ENRCO a pour mandat de s’attaquer aux têtes dirigeantes du crime organisé au Québec.

Les membres de l’escouade ont arrêté neuf membres des Hells Angels depuis l’entrée en activité de celle-ci en 2018.

La frappe de mardi est effectuée en partenariat avec l’Escouade régionale mixte de l’Estrie et plusieurs corps de police.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.