Tristesse, surprise, anxiété : parents et élèves de l’école François-La Bernarde étaient sous le choc, mardi, au lendemain d’une violente agression survenue contre une jeune fille de 10 ans, alors qu’elle rentrait chez elle à pied. Un homme de 21 ans a été arrêté et fait face à quatre chefs d’accusation. Des problèmes de santé mentale pourraient être en cause, selon la police.

« Ça m’inquiète. On a vu toute la recrudescence de la violence dans la dernière année, notamment dans Rivière-des-Prairies. Là, ça s’approche dans Pointe-aux-Trembles. C’est épeurant, à tout le moins », lance Francis Béland, père de famille dont la fille est en 4année.

M. Béland, qui accompagne quotidiennement sa fille à l’école, songeait justement récemment à la laisser s’y rendre seule. « Avec tout ça, ma décision va être retardée, probablement à l’automne », a-t-il avoué, en ajoutant qu’une telle agression « gratuite » lui faisait craindre que n’importe qui puisse être visé.

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Francis Béland

L’agression s’est produite sur le boulevard du Tricentenaire, près de la rue Notre-Dame, un peu après 11 h 30, lundi. Deux jeunes filles « circulaient sur un trottoir lorsqu’elles ont été abordées par un homme de 21 ans qui, soudainement, s’en est pris à une jeune fille en la tabassant », a indiqué le porte-parole de la police de Montréal, Raphaël Bergeron. Des passants se sont alors interposés pour mettre fin à l’agression. Presque au même moment, des patrouilleurs passant par là sont intervenus et ont arrêté l’homme.

Transportée à l’hôpital, la jeune fille souffre d’un choc nerveux et a été grièvement blessée, ayant reçu plusieurs coups à la tête. Sa vie n’est toutefois pas menacée. Tanvir Singh, 21 ans, a été accusé mardi de voies de fait graves, de voies de fait alors qu’il portait une arme, de voies de fait causant des lésions corporelles et de possession d’une arme dans un dessein dangereux pour la paix publique. Selon la police, des problèmes de santé mentale pourraient être en cause. L’accusé, qui n’est pas connu des policiers, subira une évaluation psychiatrique.

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Hilda Davalos

« On ne pense pas à ça »

Pour Hilda Davalos, dont les deux enfants de 7 et 8 ans fréquentent l’école, le plus triste est que les jeunes « soient témoins de choses pareilles ». « Ils n’ont pas de malice, mes enfants. Et hier, on a dû parler avec eux de tout ça, pour qu’ils soient attentifs. Ils sont sous le choc. Ce sont des choses vraiment inquiétantes, et qui n’arrivent jamais en temps normal », a-t-elle confié.

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Hocine Merabeti

Évidemment, c’est vraiment choquant pour ma femme et moi. Ma fille aussi a été choquée. La première réaction qu’on a eue, c’est de se dire qu’il fallait l’inscrire au service de garde.

Hocine Merabeti, qui habite non loin de l’endroit où s’est produite l’agression

Céline Primeau attendait sa petite-fille lorsque La Presse l’a interpellée. « C’est sûr que ça m’inquiète, surtout que ma fille et ses enfants restent à côté. On ne pense pas à ça ni que ça arrivera chez nous. On pense toujours que ça va arriver ailleurs », a-t-elle dit en soupirant, ajoutant espérer un renforcement des mesures de sécurité dans le quartier.

« Tout ce qui compte, c’est la sécurité de ma fille », a lancé aussi Manuel Palacios, qui déplorait que la police soit moins présente dans son quartier qu’ailleurs. « On ne voit pas souvent de voitures de patrouille ici, alors que ça devrait. »

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Manuel Palacios

« Terrible agression »

Sur les réseaux sociaux, les proches de la jeune fille, dont l’identité est protégée par une ordonnance de non-publication de la Cour, ont réclamé que « justice soit rendue ». « Cet homme fixait ma nièce en route vers la maison, et ma nièce bien élevée et toujours aussi aimante de nature, a souri à cet homme sans savoir ce qu’il pouvait lui faire », a écrit sa tante, en demandant des comptes « pour toutes les victimes de ce genre de malades qui traînent dans nos rues ».

Sur la scène municipale, Valérie Plante a parlé mardi d’une « terrible agression » et d’une « attaque sauvage ».

C’est absolument troublant. On attend d’avoir des informations supplémentaires, que la lumière soit faite sur cette attaque inacceptable.

Valérie Plante, mairesse de Montréal

« Cette nouvelle me bouleverse. Je ne pourrai jamais expliquer comment un individu peut s’en prendre à une fillette de 10 ans », s’est aussi désolé le chef de l’opposition officielle, Aref Salem.

Dans un message envoyé aux parents, le centre de services scolaire de la Pointe-de-l’Île (CSSPI) a pour sa part confirmé qu’afin de soutenir les élèves et les membres du personnel dans ces moments difficiles, « l’équipe d’intervention en situation critique du CSSPI a été déployée et restera en place aussi longtemps que nécessaire ». Sept psychologues ont notamment été envoyés sur les lieux.

Avec Louis-Samuel Perron, La Presse

La violence en hausse

Le Québec se trouve actuellement « dans un contexte postpandémique où toutes les formes de violence sont en augmentation », observe la Dre Cécile Rousseau, professeure de psychiatrie sociale et culturelle à l’Université McGill. Selon elle, l’amplification des discours d’intolérance accentue aussi les risques pour les personnes souffrant de troubles mentaux « d’exprimer ce qui circule comme discours social, et de le mettre en action ». La psychiatre met toutefois en garde le public contre le risque de stigmatiser davantage les personnes avec des problèmes de santé mentale, qui ne sont pas toutes violentes. L’important est de traiter le sujet sobrement, en évitant le sensationnalisme, pour éviter la « contagion », c’est-à-dire que d’autres personnes passent aussi à l’acte. « De démoniser un agresseur, c’est aussi, indirectement, le glorifier », avertit la Dre Rousseau.

Lila Dussault, La Presse