Gabriel Sohier-Chaput voulait seulement « faire rire » en plaisantant sur les Juifs et le nazisme dans un texte publié sur un influent site américain d’extrême droite. Et si ses propos sont de « mauvais goût », ils ne mènent pas à la « détestation des Juifs », a plaidé la défense vendredi au procès du Montréalais.

« Il a le droit de ne pas aimer les Juifs, de ne pas aimer les Noirs, et toute l’humanité. Ce qu’il n’a pas le droit de faire, c’est de fomenter la haine. Le reste, ça importe peu », a résumé Me Hélène Poussard dans sa plaidoirie vendredi au palais de justice de Montréal.

Gabriel Sohier-Chaput est accusé d’avoir volontairement fomenté la haine envers les Juifs dans un article publié en janvier 2017 sur The Daily Stormer, publication d’extrême droite aux États-Unis. Sous le pseudonyme Zeiger, le Montréalais de 35 ans a publié environ 1000 articles sur ce site néonazi qu’il décrit comme « parodique » et spécialisé dans le « nazisme satirique ». Notons qu’une image d’Adolf Hitler a un moment trôné au sommet du site.

Gabriel Sohier-Chaput reconnaît avoir écrit certains passages de l’article, mais soutient que des termes injurieux à l’égard des Juifs ont été ajoutés par l’éditeur. L’auteur soutient entre autres que la « tradition ancestrale » consistant à injurier les Juifs dans la rue devrait « assurément » être de retour.

Mais c’est surtout le premier paragraphe du texte qui s’est retrouvé au cœur de la plaidoirie vendredi.

« 2017 sera l’année de l’action. Nous devons nous assurer qu’aucun SJW ou Juif can remain safely untriggered. Le nazisme, partout, jusqu’à ce que nos rues soient inondées par les larmes de nos ennemis », écrit-il en anglais. Le sens de l’expression safely untriggered ne fait pas l’unanimité dans le procès et sa traduction française se révèle ardue.

Aux yeux de la défense, il faut voir ce paragraphe comme de l’« humour ». Si l’accusé évoque le nazisme, c’est par « dérision » en réponse aux « gens de gauche » qui voient du nazisme dans ses idées légitimes de droite. « Il ne dit pas de faire couler le sang, de les tuer », a plaidé MPoussard.

« Ça a fait quoi, le nazisme ? Ça a fait quoi dans l’histoire ? Il faut lire ce qui s’est dit dans le contexte historique. À quoi est associé le nazisme ? », a réagi le juge Manlio Del Negro.

« Mépriser, ce n’est pas suffisant »

Selon la criminaliste, il ne faut pas « sortir de son contexte » chaque mot de ce texte, par exemple lorsque son client parle des « larmes » de ses ennemis, une expression « fleurie ». Une simple allusion aux réponses larmoyantes de ses adversaires virtuels, selon l’accusé.

« Vous ne croyez pas que ça dénote un sentiment qu’on devrait avoir de la haine contre ces gens-là et que le nazisme va causer des larmes dans la voie publique ? », a alors demandé le juge.

Selon la défense, en lisant cet article, une personne « objective » ne pourrait en aucun cas en venir à la « détestation » des Juifs. Il s’agit là de l’élément crucial de l’accusation d’avoir fomenté la haine. « La Cour suprême dit que mépriser, ce n’est pas suffisant », rappelle MPoussard.

En contre-interrogatoire cette semaine, Gabriel Sohier Chaput a admis être « conscient » que des Juifs pourraient – à tort, selon lui – interpréter ses propos comme faisant la « promotion de la persécution des Juifs ».

Le procureur de la Couronne MPatrick Lafrenière plaidera en juillet prochain.