Les membres de la Première Nation des Pekuakamiulnuatsh, au Lac-Saint-Jean, ont été victimes de discrimination de la part de Sécurité publique Canada quant au financement de leur service de police, confirme le Tribunal canadien des droits de la personne (TCDP).

Cette décision rendue en début de semaine est accueillie par des représentants autochtones comme une victoire « déterminante et majeure » pour l’ensemble des services policiers des Premières Nations au pays.

Le chef Gilbert Dominique avait déposé une plainte au tribunal en 2016 au nom de sa Première Nation des Pekuakamiulnuatsh pour dénoncer le sous-financement qui frappe la sécurité publique de Mashteuiatsh et des autres communautés autochtones dans le cadre du programme fédéral des services policiers des Premières Nations (PSPPN).

Le TCDP a conclu que la plainte de M. Dominique était fondée et qu’il y a eu un « traitement défavorable » ainsi que de la discrimination pour la fourniture d’un service public en vertu de la loi « en raison de sa race et de son origine nationale ou ethnique ».

« La discrimination systémique est présente et confirmée par le Tribunal des droits de la personne. Les gouvernements doivent agir et mettre en œuvre de réelles actions afin d’enrayer cette discrimination », a commenté le chef Dominique en conférence de presse, jeudi.

Le fédéral a un délai de 30 jours pour décider d’aller en appel ou non du jugement. Ottawa avait tenté de barrer la route à la plainte, soutenant que le tribunal n’avait pas la compétence dans cette affaire, un argument rejeté par le TCDP.

Dans une prochaine étape, le TCDP établira les formes de réparations que devra offrir Ottawa. Le chef Dominique espère que ces réparations se traduiront par un changement dans la méthode de financement pour assurer la pérennité des services de sécurité publique autochtones.

Bien que la décision touche seulement un corps policier, le Canada n’aura d’autre choix que de regarder les réparations sous une forme globale pour l’ensemble des communautés du pays puisqu’elles sont confrontées à la même situation, selon l’avocat représentant les Pekuakamiulnuatsh, Benoît Amyot.

Cet article a été produit avec le soutien financier des Bourses Facebook et La Presse Canadienne pour les nouvelles.

« Frôlé la fermeture »

Le chef Dominique a relaté que le service policier de sa communauté avait connu des déficits et avait « frôlé la fermeture » en 2016 en raison d’un sous-financement.

Ce manque d’argent jumelé à des ententes de financement de courte durée a également eu des impacts sur la qualité ou la fourniture d’équipements, le nombre d’effectifs et le salaire des agents dont un écart est observé avec celui des non-autochtones, a énuméré le chef Dominique.

« Le programme des services de police des Premières Nations de Sécurité publique Canada ne nous permettait pas de couvrir les dépenses réelles de notre sécurité publique afin de répondre à un minimum de service. Pourtant, notre corps de police a les mêmes missions, responsabilités et pouvoirs en vertu de la loi de la police du Québec », a-t-il fait valoir.

Cette réalité touche les 22 corps policiers autochtones de la province, a indiqué le directeur général de l’Association des directeurs de police des Premières Nations et Inuits du Québec, Pierre Simard.

« Une victime ou un crime dans une communauté autochtone devrait pouvoir bénéficier du même soutien, des mêmes outils qu’en territoire non autochtone », a-t-il affirmé.

D’après le chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL), Ghislain Picard, la décision du tribunal confirme que « les gouvernements ont lamentablement échoué dans le financement pour soutenir les services policiers des Premières Nations ».

M. Picard, qui porte le dossier de la sécurité publique au niveau national, appelle de nouveau le gouvernement fédéral à adopter une loi venant reconnaître les corps policiers autochtones comme des services essentiels pour assurer un financement adéquat.

Québec devrait aussi prendre acte de la conclusion du TCDP, selon M. Picard, puisque les coûts des ententes de services en vertu du PSPPN sont partagés entre Ottawa à 52 % et les provinces à 48 %.

Cette répartition des coûts entraîne par ailleurs un « flou » et une « ambiguïté » qui « provoquent une danse de tango » entre Québec et le fédéral, chacun se renvoyant la balle quant à leurs responsabilités, a évoqué M. Simard.

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