(Ottawa) La Cour fédérale a déterminé que la commissaire de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), Brenda Lucki, avait enfreint la loi en omettant de répondre promptement à un rapport révélant des pratiques d’espionnage allégué contre des militants anti-pétrole.

Dans une décision rendue publique mardi, la juge en chef adjointe de la Cour fédérale, Jocelyne Gagné, déclare que Mme Lucki a manqué à son devoir selon la Loi sur la GRC en ne répondant pas « aussi tôt que possible » au rapport provisoire de la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC (CCETP) concernant des allégations d’espionnage.

Cette décision constitue une victoire pour l’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique qui dénonçait une culture de complaisance à la GRC expliquant que le corps policier se traîne les pieds dans le traitement des plaintes.

La CCETP avait lancé une enquête d’intérêt public sur les allégations d’espionnage, puis transmis un rapport provisoire à la GRC, en juin 2017, dans le but d’obtenir des commentaires sur les conclusions et les recommandations formulées.

L’organisme indépendant, qui a pour mission de surveiller le travail de la GRC, ne pouvait pas rédiger de rapport final ni de recommandations sur cette plainte tant que la commissaire Lucki ne fournissait pas de réponse à la version provisoire.

Par conséquent, les plaignants et le public ont dû patienter longuement avant d’obtenir des réponses dans cette affaire.

Brenda Lucki a finalement répondu au rapport provisoire en novembre 2020, plus de trois ans plus tard, après que l’association des libertés civiles se soit tournée vers les tribunaux.

La juge Gagné a noté que l’exigence signifie que le commissaire devrait avoir jusqu’à six mois pour répondre à un rapport provisoire, sauf en cas de circonstances exceptionnelles. Il appartiendrait au commissaire de faire valoir que plus de temps est nécessaire, a précisé la magistrate.

Le délai est conforme à un protocole d’entente signé en décembre 2019 par la commission des plaintes et la GRC, qui fixe un objectif de six mois pour les réponses.

Tard mardi, la GRC a déclaré dans un courriel qu’elle respectait la décision du tribunal selon laquelle sa réponse à l’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique n’avait pas été fournie dès que possible.

Le corps policier a imputé le retard en partie au nombre de rapports provisoires publiés, à l’ampleur et à la complexité des affaires et au volume de matériel à analyser.

Pour remédier à ce retard, la GRC a affirmé avoir commencé à élaborer un plan d’action en 2019, y compris une augmentation substantielle du nombre d’employés responsables de l’examen et de l’analyse.

« Nous réalisons des progrès significatifs dans la réponse aux rapports provisoires de la CCETP », lit-on dans une déclaration écrite.

« En novembre 2021, nous avons éliminé notre arriéré de plaintes du public et nous sommes convaincus que les mesures que nous avons mises en place continueront de respecter le délai de six mois pour répondre aux rapports de la CCETP. »

La GRC a déclaré qu’elle se conformait déjà aux directives fournies par le tribunal concernant tous les nouveaux rapports provisoires qu’elle a reçus depuis le 1er avril.

Un porte-parole du bureau du ministre de la Sécurité publique a déclaré que la GRC a convenu que trois ans, c’est trop long pour répondre à une telle plainte déposée auprès de la commission.

« Les retards nuisent non seulement à ceux qui portent plainte, mais aussi au service de police qu’ils concernent », a écrit Alexander Cohen dans un courriel.

« Notre gouvernement s’est donné pour priorité d’établir des échéanciers précis pour répondre aux recommandations de la CCETP, ainsi que d’améliorer la surveillance globale. Cela fait partie de nos efforts plus larges pour accélérer la réforme au sein de la GRC et créer une culture de responsabilisation, de transparence et d’ouverture. »

Paul Champ, un avocat de l’association des libertés civiles, a déclaré que la décision du tribunal « est une énorme victoire pour la responsabilité de la police et pour les communautés d’un océan à l’autre qui réclament justice ».

« Pour la première fois, un tribunal a clairement indiqué que la commissaire de la GRC doit répondre rapidement aux rapports de la CCETP et a imposé une limite de temps stricte quant à la rapidité avec laquelle elle doit répondre. Nous espérons que cette décision mettra fin à la culture de longue date de complaisance de la GRC. »

La décision du tribunal est un pas dans la bonne direction, a déclaré Jessica Magonet, également avocate dans le dossier.

« Les communautés ont exigé la fin de l’abus de pouvoir de la police, a déclaré Me Magonet. La décision de la Cour fédérale montre que le commissaire de la GRC ne peut continuer à contrecarrer le processus de traitement des plaintes en restant assis sur des rapports pendant des années. En matière de responsabilité policière, une justice différée est une absence de justice. »