Des dizaines d’évènements de violence avec armes à feu survenus à Montréal depuis 10 ans trouveraient leur origine dans un vieux conflit entre deux gangs de rue d’allégeance rouge du nord-est de la métropole.

Mais ces deux dernières années, ce vieux conflit aurait été exacerbé par l’utilisation des réseaux sociaux, une certaine culture hip-hop et la facilité pour les membres de ces groupes de se procurer des pistolets et des revolvers.

C’est ce que des sources ont confié à La Presse, qui a également pu consulter des documents judiciaires et établir l’historique de plusieurs meurtres, tentatives de meurtre et évènements de coups de feu survenus dans le cadre de ce conflit.

Ces deux groupes sont les Profit Boyz – appelés également les Profit Kollectaz – et les Zone 43. Le fief du premier se trouve dans Rivière-des-Prairies, à l’est de la 41e Avenue. Le second tire son origine d’un territoire situé à Montréal-Nord, à l’ouest du boulevard Pie-IX.

D’après nos informations, le conflit entre les deux groupes aurait débuté avec le meurtre d’un membre influent des Zone 43 au début des années 2010.

Depuis, attaques et répliques se seraient succédé dans le cadre d’une guerre sanglante qui semble avoir pris de l’ampleur depuis environ deux ans, encore davantage tout récemment.

Il y a quelques mois, un membre influent des Profit Boyz a été arrêté avec une arme à Toronto.

Il y a environ une semaine, un autre membre important du même groupe, Andrew Luberisse, a été pris pour cible, mais n’a pas été atteint, lors d’une tentative de meurtre par arme à feu dans le nord-est de Montréal.

La fin de semaine dernière, un conflit entre deux groupes après une soirée dans un appartement loué sur une plateforme de location à court terme a dégénéré en évènement de coups de feu à l’issue duquel un membre important des Zone 43, Kevin Desprez, a été arrêté et accusé de non-respect de conditions.

Gangs de rue 2.0

On nous a dit que les Profit Boyz et les Zone 43 s’opposent depuis tellement longtemps que certains d’entre eux ignorent peut-être même l’origine du conflit.

Les deux groupes ont pris de l’importance ces dernières années, notamment dans le trafic de stupéfiants, et leurs activités déborderaient leur territoire respectif.

Ils ne respecteraient plus les Rouges plus âgés qui ont accepté de former une alliance des gangs sous l’égide de Gregory Woolley vers 2012 et ne répondraient que d’eux-mêmes.

Ils comptent dans leurs rangs des chanteurs de hip-hop, vendent des vêtements et des bijoux à leur effigie sur les réseaux sociaux et produisent des vidéos qu’ils diffusent sur les plateformes YouTube, Snapchat et Instagram.

Ces vidéos, dans lesquelles ils se donnent du prestige en exhibant revolvers, pistolets, argent et drogue, font l’éloge de la culture des armes à feu, de la prostitution, de la traite des personnes et du trafic de stupéfiants.

Elles sont de véritables outils de promotion et constituent de la propagande haineuse à l’endroit de leurs adversaires.

La haine entre les deux groupes, qui s’entretient donc par le truchement des réseaux sociaux, est exacerbée par le fait qu’il leur est maintenant facile de se procurer des armes à feu, pour quelques milliers de dollars, grâce aux réseaux sociaux et à l’internet.

En 2021, les gangs de rue ont bien changé comparativement à ce qu’ils étaient il y a 20 ou 30 ans. On ne parle plus seulement de jeunes issus d’un même quartier ou d’une même école secondaire et qui fréquentent le même petit nombre d’artères.

Les fameux conflits entre Rouges et Bleus, inspirés de la guerre entre Bloods et Crips aux États-Unis, sont révolus à Montréal, du moins pour le moment.

On parle d’ailleurs de moins en moins de gangs d’allégeance bleue dans l’arrondissement de Saint-Michel ou de gangs d’origine jamaïcaine dans l’ouest de la ville.

En revanche, des groupes émergent dans des secteurs comme Rosemont et Saint-Léonard. Ceux-ci sont également très actifs sur les réseaux sociaux, nouveaux territoires de chasse des enquêteurs spécialisés dans la lutte contre les gangs de rue et le trafic d’armes. Ceux-ci tentent d’empêcher, le plus possible, avec les ressources et outils à leurs dispositions, que les défis virtuels se transforment en victimes véritables dans les quartiers de Montréal et des banlieues.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.