L’influent Hells Angel de la section de Trois-Rivières Marvin Ouimet conteste en Cour fédérale son transfert vers le pénitencier de Drummondville ainsi qu’un règlement du Service correctionnel du Canada qui interdit aux membres de groupes criminels de participer à un programme mis sur pied dans les pénitenciers fédéraux appelé « sentier autochtone ».

Ce programme intensif, qui s’adresse aux détenus ayant des racines autochtones, donne aux participants plusieurs avantages, dont une réduction de leur cote de sécurité.

À la suite de sa condamnation dans la foulée des recours découlant des projets SharQc et Diligence, Marvin Ouimet a été envoyé au pénitencier en 2014, s’est identifié comme un métis et a obtenu sa carte de l’Alliance autochtone du Québec.

Une fois à l’Établissement Archambault à Sainte-Anne-des-Plaines, il s’est beaucoup impliqué dans les services offerts aux détenus autochtones, devenant le gardien du « terrain sacré » et le responsable de la tente de sudation.

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Marvin Ouimet

Mais en 2019, en vertu d’une décision des services correctionnels de concentrer au pénitencier de Drummondville tous les membres des Hells Angels, Ouimet a fait l’objet d’un transfert non sollicité dans cet établissement, où les services offerts aux détenus autochtones sont moins développés qu’à Archambault.

Il s’est opposé à son transfert et a demandé d’être inscrit au « sentier autochtone », offert à Archambault, mais cela lui a été refusé, en raison de son appartenance à un groupe menaçant la sécurité (GMS).

Sa guérison compromise

« J’avais accès à des cours de chant et tambours traditionnels, tente de sudation, cérémonies de changement de saison, rencontres avec un Aîné […]. Ici [à Drummondville], nous n’avons même pas un Aîné pour nous. Tout cela est préjudiciable pour mon cheminement de sentence, retarde ma déclassification à un niveau inférieur et m’empêche de rejoindre mes racines, de vivre ma culture et de poursuivre mon cheminement de guérison », écrit le 24 juillet 2019 Marvin Ouimet dans une plainte, ajoutant que son transfert l’éloigne de sa famille et l’empêche de terminer un DEP en comptabilité.

À la suite de son arrivée à Drummondville, Ouimet a multiplié les requêtes aux responsables du pénitencier, dénoncé ce qu’il aurait qualifié de profilage racial, porté plainte à la Commission des droits de la personne et écrit une lettre au grand chef des Premières Nations à Ottawa.

« Refuser l’accès au sentier à toute personne membre d’un GMS ne tient aucunement compte de la réalité actuelle de la population autochtone. En effet, vous n’êtes pas sans savoir qu’une grande proportion de cette population a justement une affiliation soit à un gang de rue, soit à un groupe criminalisé », écrit l’avocate de Marvin Ouimet, MMarie-Claude Lacroix, au directeur de l’Établissement Archambault, Stéphane Lalande, en mai 2019.

Mais rien n’y a fait. Le Service correctionnel du Canada a rejeté tous les griefs du motard.

« Nous sommes des Indiens d’Amérique. » « Nos coutumes et nos traditions sont bafouées. » « Par le processus de réconciliation, le gouvernement essaie de réparer les erreurs commises dans le passé que je subis », écrit, en février 2020, Ouimet, qui exige alors des services complets pour les autochtones à Drummondville ou son retour à Archambault.

Un amant de la nature

Selon des documents déposés à la Cour fédérale, Marvin Ouimet serait un métis de la communauté micmaque de Trois-Rivières. Il n’a jamais vécu dans une réserve et n’a pas été élevé selon la culture autochtone. Toutefois, il dit avoir régulièrement pratiqué des activités traditionnelles comme la chasse, la pêche, la trappe et l’artisanat. Il s’est marié au pénitencier en 2016, au cours d’une cérémonie traditionnelle autochtone.

Nous possédons peu d’information sur les antécédents sociaux autochtones de ses parents, de ses grands-parents et de sa famille élargie.

Un représentant des services correctionnels

Marvin Ouimet a accordé une rare entrevue à La Presse pour en discuter en mai 2019.

Dans l’article, une porte-parole de l’Alliance autochtone du Québec avait déclaré que, selon les généalogistes de l’organisme, il fallait remonter à 13 générations pour retrouver un ancêtre micmac à Marvin Ouimet. « Autrement dit, l’unique ancêtre autochtone du motard a vécu à l’époque de la Nouvelle-France », avait calculé notre collègue Isabelle Hachey.

Selon les documents déposés en Cour fédérale, c’est au pénitencier de Donnacona que Marvin Ouimet a renoué avec ses racines autochtones.

Il a dit avoir toujours été proche de la nature et avoir toujours eu, « tout au fond de lui, dans ses gènes, plusieurs valeurs de base transmises par ses ancêtres, tels le respect, la loyauté, l’amour, l’honnêteté, la vérité, l’intégrité et la famille ».

Marvin Ouimet affirme que ses rencontres avec les Aînés et le programme autochtone lui ont fait comprendre « que les lois et règlements sont essentiels au bon fonctionnement d’une société juste et équitable ».

Ses contacts avec les codétenus autochtones lui ont fait comprendre « l’ampleur des ravages causés par les drogues et l’alcool dans les communautés autochtones. Il associe la drogue à la violence, la soif de pouvoir et l’appât du gain ». Il aurait dit aux employés correctionnels que l’impact des drogues que fait circuler dans les rues le groupe criminel (Hells Angels) a eu « un impact nocif encore plus grand que ce qu’il pensait ».

Hells Angel pour toujours

Au sujet des Hells Angels, il reconnaît que « le Québec a connu une sombre période durant les années 1990 et que pour cette raison, les Hells Angels ont mauvaise presse ».

« Bien qu’il allègue ne pas cautionner tout ce qui s’est produit en lien avec les Hells Angels au cours des années, il exprime ne pas envisager se dissocier des Hells Angels. Il soutient qu’il s’agit d’un groupe de motocyclistes, que plusieurs des membres ne sont pas criminellement impliqués et que cela fait partie de ses droits et libertés d’y adhérer », peut-on lire dans les documents.

On y apprend également que Ouimet a lancé l’idée de créer une section des Hells Angels entièrement légale après sa libération, mais qu’il y a renoncé, en raison de pressions.

Marvin Ouimet a suivi et complété plusieurs formations professionnelles depuis le début de son incarcération et a même enregistré une entreprise de construction de maisons en bois rond.

Il a adopté un comportement conformiste au cours des dernières années, mais entre 2010 et 2016, il a fait l’objet d’une dizaine de manquements disciplinaires, notamment pour violence envers un codétenu, pour avoir eu en sa possession un téléphone cellulaire à quatre reprises et pour avoir détruit… un dictionnaire.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.