(Québec) Après avoir passé neuf ans derrière les barreaux pour le meurtre de sa femme, l’ancien juge Jacques Delisle a été libéré vendredi dans l’attente d’un nouveau procès.

L’homme qui bénéficie maintenant de la présomption d’innocence pourra donc quitter le pénitencier de La Macaza, d’où il a comparu par vidéoconférence. La nouvelle est un immense « soulagement », selon son avocat.

« Voici un homme de 86 ans qui a fait neuf ans de prison à la suite d’un verdict de culpabilité qui vient d’être cassé en raison d’une erreur judiciaire au sens technique du terme », a déclaré MJacques Larochelle devant le palais de justice de Québec.

La cause de l’ancien juge de la Cour d’appel semblait pourtant perdue. L’homme avait été déclaré coupable du meurtre prémédité de sa femme, Nicole Rainville, en 2012. Il purgeait depuis ce jour une peine à perpétuité. Ses tentatives d’appel avaient toutes échoué.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

Mes James Lockyer et Jacques Larochelle

Mais, geste rarissime, le ministre fédéral de la Justice a ordonné mercredi la tenue d’un nouveau procès pour l’ancien juge, en vertu de pouvoirs extraordinaires de révision.

Cette nouvelle a été accueillie par Jacques Delisle comme « la levée d’une chape de plomb et de malheur », selon son avocat.

Il était évidemment soulagé. Vous pouvez vous imaginer sans peine la douleur et la souffrance qu’ont représentées pour cet homme neuf années d’emprisonnement.

MJacques Larochelle

La remise en liberté de l’homme n’a pas été sujette à débat vendredi. La Couronne a donné son accord. Il faut rappeler que M. Delisle avait été libéré en 2010 dans l’attente de son procès. La décision du ministre fédéral de la Justice ramène en quelque sorte le dossier à son état d’alors, avant la tenue du premier procès.

La Cour supérieure lui impose toutefois certaines conditions, comme celle de résider chez lui, l’interdiction de sortir du pays, de détenir un passeport, une arme ou d’entrer en communication avec certaines personnes.

Un nouveau procès ?

La question est maintenant de savoir si un nouveau procès aura lieu. Selon la défense, les nouveaux éléments qui ont convaincu le ministre d’intervenir sont substantiels.

« Nous avons sollicité 10 expertises légales », a expliqué à la sortie du palais de justice de Québec l’avocat torontois James Lockyer, spécialiste des erreurs judiciaires qui a convaincu le ministre David Lametti d’intervenir dans le dossier de Jacques Delisle.

« Sans exception, ils sont d’avis que les expertises de la poursuite durant le procès étaient erronées », a ajouté MLockyer, qui est le fondateur de l’organisme Innocence Canada.

Ces nouvelles expertises concernent notamment l’angle de tir. Cette question avait été centrale lors du premier procès. « À angle droit, il y avait possibilité d’un suicide. À 30 degrés, la Couronne était d’avis qu’il s’agissait de l’intervention d’un tiers. Les experts trouvés et engagés par Innocence Canada ont corroboré le fait que toutes les marques étaient à angle droit », assure MLarochelle.

Ces expertises seront certainement utiles dans le cas d’un nouveau procès. Mais aura-t-il lieu ? MLarochelle espère l’éviter et pouvoir s’entendre avec la Couronne sur une « solution honorable ».

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MAudrey Roy-Cloutier

Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) s’est contenté d’une déclaration et n’a pas répondu aux questions des médias. « Les procureurs mandatés à ce dossier s’affairent maintenant à prendre les actions requises en prévision du procès à venir », a affirmé la porte-parole du DPCP, MAudrey Roy-Cloutier.

Le DPCP tient à rappeler que l’ordonnance rendue par le ministre Lametti ne signifie pas que la personne condamnée est innocentée. Cette décision fait en sorte que l’affaire est renvoyée devant les tribunaux afin d’être jugée.

MAudrey Roy-Cloutier, porte-parole du DPCP

Nicole Rainville avait été retrouvée morte dans l’appartement de Québec qu’elle partageait avec son mari le 12 novembre 2009. La femme de 71 ans était à demi paralysée depuis un AVC. Elle semblait au premier abord s’être suicidée d’une balle dans la tête avec l’arme non enregistrée de son mari.

Mais des éléments de preuve avaient convaincu la Couronne de porter des accusations de meurtre contre l’ancien juge.

Les experts s’étaient notamment penchés sur une tache noire retrouvée dans la paume de la main gauche de la victime, laissant croire à une plaie de défense. Les policiers avaient aussi mis au jour une relation extraconjugale entre l’ex-juge et une femme.

Rappelons que les enfants du couple ont toujours soutenu leur père et cru à son innocence.