Ruiné par un pasteur véreux, un ex-diacre malade doit s’astreindre à un travail à la chaîne pour rembourser ses dettes. « J’ai pas le choix pour survivre », murmure Fortunato Orsini. Le pasteur Mwinda Lezoka mérite au moins trois ans de prison pour avoir dérobé plus de 250 000 $ à ses ouailles, selon la Couronne.

« [Ses fidèles] avaient une confiance absolue et aveugle en lui. On ne peut pas remettre en question la parole de M. Lezoka, parce que ça vient du représentant de Dieu. C’était un lien pratiquement de soumission », a plaidé mercredi le procureur de la Couronne, Me Jérôme Gagné, lors des observations sur la peine de Mwinda Lezoka.

L’homme de Dieu a profité de la vulnérabilité de ses fidèles dans les années 2000, alors qu’il dirigeait la Communauté chrétienne de Béthel, Église évangélique du quartier Ahuntsic. Mwinda Lezoka a usé de son « ascendant indéniable » sur ses ouailles pour leur soutirer 268 000 $, a conclu l’an dernier le juge Yves Paradis en le déclarant coupable.

Le pasteur avait plongé son Église dans un gouffre financier en investissant dans d’ambitieux projets immobiliers. Il avait ainsi poussé deux sœurs à hypothéquer leur maison afin de prêter 127 000 $ à l’Église, en plus de soutirer 50 000 $ à une fidèle sous des prétextes.

Le diacre de l’Église, Fortunato Orsini, s’est carrément retrouvé dans la rue après avoir perdu sa maison et 80 000 $. Mwinda Lezoka détenait une « emprise » sur lui, dit-il. À l’époque, il dormait sur une chaise à l’église et peinait à se nourrir. « Je devais survivre au lieu de vivre », a-t-il confié à la cour.

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L’ancien diacre Fortunato Orsini, une victime du pasteur. Aujourd’hui, à 68 ans, il doit travailler dans une usine pour « survivre ».

Aux prises avec des problèmes cardiaques, l’homme de 68 ans doit maintenant travailler quatre jours par semaine dans une usine dans un emploi physiquement difficile. « Les conséquences sont immenses » pour Fortunato Orsini, a fait valoir la Couronne.

En réclamant de trois à quatre ans d’emprisonnement, la Couronne a insisté sur « l’ascendant » qu’exerçait Mwinda Lezoka sur ses fidèles. « C’était le pasteur. C’était l’Église. Pour le bien de l’Église, il fallait faire ça », résume MGagné. « Il y avait une pression immense. M. Lezoka était carrément le représentant de Dieu », renchérit le procureur.

Remboursement des victimes

Mwinda Lezoka devrait aussi être condamné à rembourser les victimes, selon la Couronne. « On ne sait pas où est allé l’argent en question », a relevé MGagné. Selon la défense, il est « dérisoire » de croire que le pasteur pourra rembourser les 268 000 $ en quelques années.

Une peine de neuf mois de détention suffit d’ailleurs amplement, selon la défense. Son avocate MCynthia Lacombe a décrit un homme qui « essaie de se reprendre en main en retournant aux études » et qui ne pourra plus jamais redevenir pasteur.

De plus, la fraude de M. Lezoka ne se compare pas à un « gros stratagème caché et prémédité », a insisté MLacombe. À ses yeux, Mwinda Lezoka a seulement été « trop optimiste » dans sa capacité à rembourser les prêts à ses fidèles. Depuis, il a fait faillite et a été soumis à de strictes conditions de libération, a-t-elle ajouté. « Il a pu quitter la province », a alors rétorqué le juge Paradis.

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Le pasteur Mwinda Lezoka en 2010

Jusqu’à sa condamnation, Mwinda Lezoka continuait en effet de se rendre régulièrement en République démocratique du Congo pour diriger une importante église locale. Or, cette année, Mwinda Lezoka a été éjecté de son poste de secrétaire général de cette église en raison d’allégations de mauvaise utilisation de fonds. Il s’est même carrément fait excommunier.

Dans une longue liste de récriminations, l’Église du Christ au Congo lui reproche notamment d’avoir « créé un climat malsain » au sein de l’Église, d’avoir traduit en justice ses collègues pasteurs, d’avoir pillé des biens et de n’avoir jamais présenté de rapport financier, selon un procès-verbal consulté par La Presse.

Le juge rendra sa décision en février prochain.