Préoccupés par son « manque d’honnêteté et de transparence », par les contradictions et « incongruités » relevées dans sa version des faits, par sa tendance à « jouer sur les mots » et par des risques de récidive « inacceptables » pour la société, les commissaires aux libérations conditionnelles du Canada viennent de révoquer la libération conditionnelle de Raynald Desjardins.

Le caïd purge depuis 2016 une peine de 14 ans pour avoir comploté en vue du meurtre de l’aspirant parrain Salvatore Montagna, commis à Charlemagne en 2011.

Il avait obtenu sa libération conditionnelle à la mi-avril, mais à peine un mois plus tard, celle-ci a été suspendue parce que des policiers lavallois ont vu Desjardins en compagnie d’un individu ayant des antécédents criminels, ce qui lui était interdit.

Desjardins a renoncé à son droit à une audience devant les commissaires et ceux-ci ont pris leur décision « sur dossier », non sans avoir reçu une intervention écrite de l’avocate de Raynald Desjardins.

Desjardins a été surpris le 18 mai en compagnie d’un homme qu’il a connu au pénitencier, Jean-Charles Denommé, qui a déjà été considéré comme une relation des Hells Angels.

Les policiers ont vu ce dernier suivre Desjardins dans un autre véhicule alors que le caïd s’est arrêté à cinq endroits différents dans la journée.

Dans une lettre, la conjointe de Desjardins a écrit que c’est elle qui avait embauché Denommé pour effectuer des travaux à l’intérieur et à l’extérieur de sa maison et de celle d’une proche, déposant même des photos de chantiers et des feuilles de temps à l’appui. Elle a nié, tout comme Raynald Desjardins, que l’homme avait agi comme garde du corps pour ce dernier et a indiqué que son conjoint « avait pris sa retraite » du milieu criminel.

Versions contradictoires

Mais les commissaires ont jugé que Raynald Desjardins avait adapté sa version des faits au fur et à mesure qu’il prenait connaissance des faits constatés par les policiers le 18 mai.

Par exemple, Raynald Desjardins a expliqué que Denommé n’était jamais entré dans sa maison et ajouté qu’il ne savait pas que ce dernier le suivait en voiture le jour de la filature, « car il ne regarde jamais en arrière lorsqu’il conduit ».

Or, la conjointe du caïd a écrit à l’intention des commissaires que l’homme avait effectué des travaux à l’intérieur de sa maison et que c’est elle qui lui avait demandé de suivre son conjoint, car il n’avait pas de GPS dans son véhicule.

« Force est de constater que vous avez menti à votre équipe de gestion de cas sur le type de relation entretenue avec cette personne, sur sa présence à votre résidence et sur les contacts ayant eu lieu. La Commission ne peut ignorer la criminalité de cette personne, laquelle est reliée à un réseau de trafiquants de drogues d’un groupe criminalisé structuré et organisé bien connu de votre part (Hells Angels). La Commission ne peut non plus ignorer les motifs de votre implication au sein de vos activités criminelles ni vos liens avec de hauts dirigeants de groupes du crime organisé », écrivent les commissaires.

« Faites ce que vous avez à faire »

Ceux-ci exigent également de Desjardins qu’il remplisse un document de divulgation financière qu’il n’a pas encore rempli. Son agente de libération conditionnelle avait été prévenue qu’une rencontre virtuelle en ce sens aurait lieu le 19 mai dernier en présence de Desjardins, de son comptable et d’un avocat, mais finalement, deux autres avocats – trois au total – étaient aussi présents à la réunion.

Desjardins dit s’être retiré du milieu criminel en 2009. Quant au meurtre de Montagna, il affirme que ce dernier avait envoyé « deux de ses frères » lui demander de quel côté il était dans la lutte de clans, mais qu’il lui avait répondu qu’il était retraité, et que c’est pour cette raison qu’il aurait été victime d’une tentative de meurtre à Laval en septembre 2011.

Il nie avoir planifié le meurtre de Montagna, mais ajoute qu’il savait que quelque chose allait arriver, qu’il avait été consulté par « ses anciens acolytes », mais qu’il leur avait répondu « de faire ce qu’ils avaient à faire ».

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4019, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.