Quelques heures à peine après avoir assassiné les frères Vincenzo et Giuseppe Falduto le 30 juin 2016, l’ex-tueur à gages de la mafia devenu taupe pour la police a voulu tuer un autre mafieux croisé par hasard dans un restaurant, mais il n’avait plus son arme avec lui.

Témoignant pour une 15e journée au procès devant jury de Marie-Josée Viau et de Guy Dion, cet ex-tueur à gages, dont on doit taire le nom, a raconté que le soir du meurtre des frères Falduto, lui et deux complices -dont on ne peut révéler l’identité - ont croisé par hasard le mafioso Tony Mucci dans un restaurant.

« Mais nous n’avions aucune arme à feu avec nous. Nous n’avions rien du tout. J’ai dit aux autres que j’allais partir et revenir (pour chercher une arme) mais ils m’ont dit de le (Mucci) laisser tranquille », a répondu l’ex-tueur à gages à une question de MMylène Lareau, de la défense.

« Je présume qu’ils ne voulaient pas le faire parce que tout le monde voulait un morceau de la tarte. Ils voulaient une partie de l’argent pour chaque personne sur la liste. Ils savaient que je pouvais le faire seul et ils voulaient qu’on le fasse tous ensemble », a ajouté l’ancien assassin devenu agent civil d’infiltration (ACI) pour la police.

Mercredi, ce dernier a raconté que les frères Andrew et Salvatore Scoppa avaient une liste - surnommée menu par les tueurs - d’une vingtaine de personnes à abattre sur laquelle le nom de Mucci se trouvait. L’ACI a dit jeudi matin que le contrat sur la tête de Tony Mucci était de 100 000 $ à 150 000 $.

Mobile flou

C’est cet ex-tueur à gages qui a tué Vincenzo et Giuseppe Falduto dans le garage de Marie-Josée Viau et de Guy Dion à Saint-Jude, en juin 2016. Deux ans et demi plus tard, il a communiqué avec la Sûreté du Québec et a offert sa collaboration pour élucider les meurtres des frères Falduto, de Rocco Sollecito et de Lorenzo Giordano, également éliminés en 2016.

Durant l’été 2019, après une fausse rencontre fortuite avec Marie-Josée Viau, l’ACI a amené cette dernière et Guy Dion à parler des meurtres des Falduto et les a enregistrés à leur insu. Le couple a été arrêté en octobre 2019 et a été accusé d’avoir comploté et participé aux meurtres des deux frères. Selon la théorie de la poursuite, Dion et Viau ont brûlé les corps des victimes (qui n’ont jamais été retrouvés) et fait disparaître toute trace du crime.

Jeudi matin, l’ACI a dit que les frères Falduto, « ce n’était pas important pour eux (les Scoppa) et que ça ne faisait pas partie de leur gang ». La veille, il avait indiqué que les Falduto étaient liés aux Siciliens.

Selon l’ex-tueur à gages, les Falduto ont été tués pour permettre à un individu surnommé Brad Pitt depuis le début du procès-car on doit taire son nom-de faire ses preuves et de devenir le capo (lieutenant) de Salvatore Scoppa. Mais au moment du crime, Brad Pitt en aurait été incapable et c’est l’ACI qui a tué les deux frères.

« Sal (Salvatore Scoppa) voulait absolument que Brad Pitt élimine au moins une personne pour faire partie de son armée, pour être son lieutenant », a dit le témoin.

« Mais Brad Pitt n’était pas déjà capo au moment du meurtre de Rocco Sollecito (commis le 27 mai 2016) ? », a demandé MLareau au témoin.

« Non ! Participer à un meurtre ou tuer quelqu’un, ce n’est pas la même chose », a répondu l’ex-tueur à gages.

« Giordano, qu’il a fait avec un autre, il n’a pas été capo. Campellone, qu’il a fait tuer, il n’a pas été capo », a-t-il ajouté en enfilade par la suite.

Récriminations envers les autorités

L’ACI a signé une entente de 450 000 $ avec l’État. Il a raconté avoir dû payer par la suite 33 000 $ en impôts pour de l’argent reçu pour des crimes commis entre 2016 et 2018.

Il s’est plaint que la SQ ne l’ait pas payé pour des rencontres qu’il a eues à la fin de l’enquête Préméditer avec les mafieux Charlie Renda et Andrew Scoppa. Au cours de ces deux rencontres - celle avec Charlie Renda aurait duré entre 10 et 15 minutes -, Renda et Scoppa ont été enregistrés à leur insu.

Le contre-interrogatoire de l’ACI est maintenant terminé. La poursuite fera entendre un autre témoin vendredi, un enquêteur à l’écoute électronique.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à dernaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.