Un proxénète violent qui a profité de l’amour aveugle d’une femme pour l’exploiter pendant des mois, d’Edmonton à Montréal, va payer chèrement ses crimes. En plus d’être condamné à trois ans de détention, Kevin Ayala Tafur risque d’être expulsé du Canada en raison de son statut d’immigration précaire.

Le Montréalais de 27 ans, reconnu coupable de proxénétisme et de voies de fait armées l’été dernier, n’a pas réussi à obtenir la clémence du tribunal pour conserver l’espoir de rester au Québec. Sa condamnation l’expose en effet à une interdiction de territoire et à une mesure d’expulsion, comme il est résident permanent.

Pour conserver son droit d’appel au tribunal de l’immigration, le jeune père de famille arrivé du Pérou à 12 ans devait espérer écoper d’une peine de moins de six mois par chef d’accusation. Or, une sentence aussi clémente n’est pas du tout appropriée pour un crime aussi grave, a conclu la juge Sonia Mastro Matteo, d’autant que la victime conserve des « marques indélébiles », cinq ans plus tard.

« Faut-il rappeler que pendant 10 mois, [la victime] rend des services sexuels dans plusieurs villes tout en s’endettant alors que M. Ayala profite de l’argent qu’elle gagne durement et des sentiments qu’elle a pour lui. Elle est envoyée à Edmonton […] sans qu’elle ne soit consultée », soutient la juge dans sa décision rendue mercredi dernier au palais de justice de Montréal.

Exploitée au point de devoir faire faillite

Kevin Ayala Tafur a en effet profité de l’amour aveugle de cette jeune femme à son égard pour l’exploiter pendant des mois en 2016. La victime se déplaçait de ville en ville dans l’espoir de faire « assez d’argent pour gagner le cœur de M. Ayala ». D’abord, elle s’est prostituée six jours par semaine au salon de massage érotique Jasmine, à Montréal, en remettant tous ses gains à l’accusé.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Kevin Ayala Tafur au palais de justice de Montréal, le 21 juin

Ensuite, Kevin Ayala Tafur a fait preuve d’une « grande témérité et insensibilité » en confiant la victime à son ami proxénète — Loukman Abdullah, alias Lucky (condamné à un an de prison) — pour qu’elle se prostitue à Edmonton. Sans le sou, la jeune femme s’est endettée, au point de devoir faire faillite. Cinq ans plus tard, elle prend des médicaments pour l’anxiété et craint toujours son ancien bourreau.

La victime affirme avoir vécu dans la peur aux mains de Kevin Ayala Tafur, qui lui a déjà lancé « violemment » un iPhone au visage, parce qu’elle refusait de rejoindre un client. Puis en janvier 2017, alors qu’elle dormait, Kevin Ayala Tafur est entré dans sa chambre et l’a rouée de coups. Il a néanmoins été acquitté de traite de personnes.

« Sadisme sexuel »

Selon le rapport d’une sexologue, Kevin Ayala Tafur affiche des traits de « sadisme sexuel » liés à la « domination ». Dans un autre rapport défavorable, une agente de probation souligne son manque d’empathie, ses valeurs délinquantes et son contrôle de soi déficitaire. De plus, il a multiplié les non-respects des conditions.

Le procureur de la Couronne MJean-François Roy réclamait 50 mois de détention. Or, une peine de trois ans s’avère plus appropriée, selon la juge, compte tenu du « passé difficile » du délinquant, qui a eu d’importants problèmes d’intégration à son arrivée au Québec.

MThomas Villeneuve-Gagné représente Kevin Ayala Tafur.