Il a failli plonger le Québec dans le noir en sabotant les lignes à haute tension d’Hydro-Québec. Il a engagé des criminels pour incendier les maisons de fonctionnaires par pure vengeance. Il a été l’un des fugitifs les plus recherchés du Québec. L’ex-pilote Normand Dubé devra maintenant passer plus de 16 ans derrière les barreaux.

La Cour d’appel du Québec a imposé mardi une « lourde » peine de 16 ans d’emprisonnement à Normand Dubé, doublant presque du coup sa peine de 9 ans de détention. Essentiellement, l’ancien pilote devra purger de façon consécutive deux peines de neuf et sept ans imposées dans deux procès, a tranché le plus haut tribunal de la province.

Les crimes de Normand Dubé ont marqué les esprits, puisqu’il a bien failli provoquer une catastrophique « panne totale » du réseau d’électricité au Québec en décembre 2014. Connu à l’époque comme « le pilote des stars », Normand Dubé en voulait à Hydro-Québec pour une histoire de servitude sur son terrain.

Son attaque sans précédent contre les lignes de transport à haute tension de la société d’État a touché la « colonne vertébrale » du réseau québécois en décembre 2014, avait raconté en cour un dirigeant d’Hydro-Québec. Ses méfaits ont ainsi provoqué une crise « extrêmement sévère » en plein hiver. Au bout du compte, il a causé pour 29 millions de dollars de dommages.

PHOTO FOURNIE PAR LA SQ

L’avion de Normand Dubé

Au terme de ce procès inédit, Normand Dubé a été condamné à sept ans de pénitencier en décembre 2018 par le juge Paul Chevalier. Une partie de la preuve présentée avait même été frappée d’une exceptionnelle ordonnance de non-publication pour des motifs de « sécurité nationale ».

Puis, en mai 2019, dans une affaire distincte, Normand Dubé a été condamné à neuf ans d’emprisonnement pour harcèlement et incendies criminels. Par pure vengeance, entre 2011 et 2013, l’ancien pilote a intimidé trois fonctionnaires et fait incendier leur résidence par des hommes de main. Par miracle, personne n’a été blessé lors de ces attentats au cocktail Molotov.

PHOTO DÉPOSÉE EN COUR

Une résidence incendiée par des hommes de main de Normand Dubé

Normand Dubé s’en est ainsi pris à une surintendante de l’Agence des services frontaliers du Canada pour avoir reçu une contravention de 2000 $ et à une fonctionnaire de Sainte-Anne-des-Plaines pour un litige lié à son rôle d’évaluation foncière. Le credo de Normand Dubé : « La vengeance est un plat qui se mange froid. »

Crimes distincts, peines consécutives

Au lieu de lui imposer une peine consécutive à sa première condamnation dans le dossier d’Hydro-Québec, le juge Gilles Garneau lui a plutôt imposé une peine dite concurrente. Résultat, le criminel s’en tirait avec seulement neuf ans de prison pour ses deux crimes, puisque les deux peines étaient purgées en même temps.

Or, les deux peines auraient dû être imposées de façon consécutive pour un total de 16 ans, a conclu la Cour d’appel du Québec. Dans les faits, il s’agit même d’une peine globale de 16 ans et 10 mois, puisque Normand Dubé a récemment été condamné à 10 mois de détention pour de nombreux chefs de non-respect des conditions.

Dans sa décision, le juge Garneau justifiait sommairement l’imposition d’une peine concurrente par le fait que les crimes contre les fonctionnaires avaient été commis avant ceux contre Hydro-Québec. Des motifs qualifiés de « brefs et difficilement intelligibles » par le plus haut tribunal de la province.

Les deux crimes n’ont en effet absolument rien à voir, soutient la Cour d’appel, puisqu’ils visaient des cibles différentes à des dates différentes.

« Dénoncer avec vigueur »

Même si une peine de 16 ans demeure « lourde », elle est appropriée en raison de la gravité des crimes, selon la Cour d’appel. D’ailleurs, les juges ont tenu à « dénoncer avec vigueur ce type de comportement prémédité, planifié et exécuté », et à dissuader quiconque de s’en prendre à des officiers publics.

La Cour d’appel avait mis fin aux appels de Normand Dubé sur ses verdicts de culpabilité en février dernier en raison de sa fuite. En effet, le criminel était alors l’un des fugitifs les plus recherchés au Québec. Il s’est rendu quelques jours plus tard.

Le procureur de la Couronne MSteve Baribeau, qui a mené le dossier avec MÉric Bernier en appel, s’est réjoui de ce jugement susceptible de redonner confiance à la population dans le système judiciaire.

« On ne peut pas causer des dommages de 30 millions de dollars à un organisme comme Hydro-Québec et mettre le feu à des résidences privées de fonctionnaires qui ne font que leur travail parce l’on est en désaccord avec leur décision et penser s’attirer la clémence et la sympathie des tribunaux. Une telle peine protégera la population du Québec de cet individu pendant de nombreuses années », a commenté MBaribeau.

MMaxime Chevalier représentait Normand Dubé.