Pratiquement aucun criminel au Canada n’a braqué autant de commerces avec une arme à feu. Le braqueur récidiviste Jeffrey Marshall Ménard, qui a semé la terreur dans le Grand Montréal à l’automne 2017, devrait être condamné à la peine quasi record de 26 ans de détention, soutient la Couronne. Une suggestion exagérée, selon la défense.

« Tous les autres cas dans la jurisprudence n’arrivent pas même à la cheville de M. Ménard en termes de nombre de vols, de victimes et de chefs d’utilisation d’une arme à feu », a plaidé mercredi le procureur de la Couronne MAlexis Dinelle au palais de justice de Montréal.

De septembre à novembre 2017, le Montréalais de 39 ans a braqué pas moins de 19 banques et restaurants-bars à Montréal, Laval, Longueuil, Candiac et Berthierville. Il a ainsi fait 36 victimes, un nombre « effarant », selon la Couronne, sans compter tous les témoins « traumatisés » par ces braquages.

PHOTO LA PRESSE

Jeffrey Marshall Ménard

Jeffrey Marshall Ménard employait un modus operandi d’une redoutable efficacité. Vêtu d’une cagoule, il entrait dans le commerce en « cyclant » son pistolet et ressortait avec le butin en un éclair. Sur les vidéos de surveillance, on peut le voir glisser la culasse de son arme vers l’arrière de façon ostentatoire avant de la braquer sur un employé. Il n’hésitait donc pas à menacer les victimes avec son arme.

Au terme d’un long procès l’an dernier, la juge Anne-Marie Lanctôt a reconnu Jeffrey Marshall Ménard coupable de 19 chefs de vol qualifié et de 19 chefs d’utilisation d’une fausse arme à feu lors de la perpétration de ces crimes. Cependant, malgré le libellé du dernier chef, la juge a conclu que Ménard avait utilisé une véritable arme à feu.

Un risque de récidive « excessivement inquiétant »

Aux yeux de la poursuite, la peine minimale d’un an de prison devrait s’appliquer pour chacun des 19 chefs d’utilisation d’une fausse arme à feu. En ajoutant sept ans pour les autres chefs, la Couronne arrive à un total de 26 ans. En cette matière, seul un criminel a écopé d’une peine plus sévère au pays, soit 30 ans, a relevé MDinelle.

Cette peine est appropriée, selon la Couronne, en raison des nombreux facteurs aggravants et de l’absence de facteur atténuant. De plus, Jeffrey Marshall Ménard est un « multirécidiviste », a insisté MDinelle. En plus de deux antécédents pour vol qualifié, il a déjà été condamné pour agression sexuelle, recel, voies de fait et violence conjugale. Son risque de récidive est aussi « excessivement inquiétant » pour la poursuite.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

MAlexis Dinelle, procureur de la Couronne, en 2017

La suggestion de la Couronne est « artificiellement gonflée », rétorque la défense, qui conteste la constitutionnalité de peines minimales dans ce dossier. Jeffrey Marshall Ménard mérite de huit à neuf ans de détention, estime MSimon Leduc. Une suggestion « diamétralement opposée » à celle de la poursuite, concède-t-il.

Le nombre de vols qualifiés ne doit pas être « le seul facteur à considérer », soutient MLeduc. « Il ne faut pas tomber dans le piège, comme aux États-Unis, d’imposer sentence sur sentence en ne donnant aucune chance de réhabilitation », a-t-il plaidé.

La juge rendra sa décision en octobre prochain.