La mort d’une élève de 15 ans, fauchée par le conducteur d’un véhicule utilitaire sport (VUS) en se rendant à l’école sur une route champêtre de Pierrefonds-Roxboro, dans l’ouest de l’île de Montréal, il y a une dizaine de jours, était « complètement prévisible », dénoncent des voisins de la victime.

« C’est connu, c’est très dangereux ici, surtout pour les enfants, mais l’arrondissement n’a rien fait, et là, une jeune fille a été arrachée à ses parents et ne reviendra jamais, explique Elena Mitreva, qui est venue cette semaine déposer des fleurs sur le lieu de l’impact. C’est tellement triste. »

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Elena Mitreva dépose des fleurs à l’endroit où la jeune fille de 15 ans a été happée.

Enfant unique, Angelica John, la victime, fréquentait l’école Jean-XXIII, à Dorval, où elle étudiait en quatrième secondaire. « Toutes nos pensées sont avec la famille, les amis et les proches », a signalé la directrice, Doina Ezaru.

La famille d’Angelica John habite une petite maison à quelques mètres du lieu de l’impact, sur le boulevard Lalande, une route panoramique étroite sans accotement et sans trottoir qui offre des points de vue uniques sur la rivière des Prairies. Personne n’est venu répondre à la porte de la résidence lors du passage de La Presse, cette semaine.

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DU COMPLEXE FUNÉRAIRE AETERNA

Angelica John, 15 ans, tuée par un chauffeur à Pierrefonds la semaine dernière.

Libby Koukourakis, voisine immédiate de la famille d’Angelica John, était chez elle vers 8 h 30, le jeudi 17 juin, lorsqu’elle a entendu le vrombissement d’un conducteur qui accélérait. Quelques secondes après, elle a entendu l’impact. « Mon cœur s’est arrêté, car ça fait des années que j’anticipe une collision ici », dit-elle.

Elle a dit ne pas connaître la famille d’Angelica John. « Il m’arrivait de les saluer, mais ils n’habitaient pas ici depuis très longtemps. »

Le matin de l’accident, Anjelica John se rendait à son arrêt d’autobus scolaire, situé à quelques pas de chez elle. Un homme dans la cinquantaine au volant d’un VUS a percuté et sectionné un poteau d’Hydro-Québec en bordure de la route, avant de faucher la jeune fille et d’entrer en collision avec un autre véhicule.

Projetée à plusieurs mètres sous la force de l’impact, l’adolescente a été grièvement blessée. Son autobus scolaire est arrivé alors que les premiers répondants lui faisaient un massage cardiaque, laissant plusieurs élèves sous le choc. Transportée à l’hôpital, l’adolescente est morte plusieurs heures plus tard.

Les policiers du SPVM ont dit qu’ils allaient interroger le conducteur du VUS pour recueillir sa version des évènements.

Poteau réparé, route non sécurisée

Cinq jours après la collision, le poteau endommagé avait été réparé et remplacé par Hydro-Québec, mais aucune mesure physique visant à sécuriser la route pour les usagers les plus vulnérables n’avait été déployée.

Plusieurs automobilistes accéléraient toujours à l’endroit de l’impact et se déplaçaient à plus de 40 km/h, la limite dans le secteur, frôlant les nombreux marcheurs, joggeurs et cyclistes attirés par la vue de ce que plusieurs appellent leur « paradis ».

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Lieu de l’impact, boulevard Lalande

Des conducteurs passent parfois à 60, 70, voire 80 km/h sur le boulevard Lalande, et certains automobilistes impatients font même des dépassements sur la route étroite, dit Mme Koukourakis. Il y a quelques semaines, un conducteur a happé un poteau d’Hydro-Québec plus loin sur la route, plongeant le quartier dans le noir pendant plusieurs heures.

Le boulevard Lalande devrait être transformé en une rue unidirectionnelle, dit-elle. L’espace ainsi retrouvé sur la chaussée pourrait servir à aménager une piste cyclable et un espace pour les nombreux piétons qui viennent admirer le coucher de soleil sur la rivière des Prairies.

Et il faut mettre des dos d’âne. Pas des petits, des gros ! C’est tellement simple. Je ne comprends pas pourquoi l’arrondissement ne l’a pas fait il y a des années. Ce qui est arrivé était complètement prévisible.

Libby Koukourakis, voisine immédiate de la famille d’Angelica John

En entrevue, Dimitrios Jim Beis, maire de l’arrondissement de Pierrefonds-Roxboro, note que ses pensées vont d’abord à la famille et aux proches de la jeune victime. « C’est un drame d’une grande tristesse qui s’est produit dans notre arrondissement », dit-il.

M. Beis réfute l’idée voulant que son administration ait laissé une situation dangereuse perdurer. « Nous avons eu environ huit plaintes depuis 2016-2017. On a fait des analyses, et on a constaté des vitesses moyennes de 43 km/h, alors que la limite est de 40 km/h. »

À la suite de la collision, des policiers patrouillent plus souvent, et l’arrondissement a entrepris de réfléchir à ce qui pourrait être fait pour mieux sécuriser l’endroit. « Est-ce qu’on va ajouter des dos d’âne à des endroits stratégiques ? Ajouter de la signalisation ? On est en train d’analyser tout ça. Ça va être implanté à court terme. »

L’arrondissement étudie aussi la possibilité de faire du boulevard un sens unique.

Sandrine Cabana-Degani, directrice de Piétons Québec, signale que l’aménagement des rues résidentielles comme le boulevard Lalande doit d’abord être pensé en fonction de la sécurité des usagers les plus vulnérables, mais que ce n’est pas toujours le cas « dans une société qui a pensé toutes ses voies publiques il y a 50 ans pour les automobilistes ».

Notre choix de véhicule a aussi une incidence sur la sécurité des résidants, dit-elle. « Les personnes qui sont renversées par un VUS, comme c’est arrivé sur le boulevard Lalande, ont de moins bonnes chances de survie que si elles sont renversées par une automobile, dont le profil est beaucoup plus bas. Notre choix de véhicule a une importance. »

En chiffres

51

Nombre de personnes se déplaçant à pied qui ont perdu la vie dans des collisions avec un véhicule motorisé en 2020 au Québec. En 2019, avant les mesures de confinement, 69 piétons avaient été tués, un nombre en hausse depuis 10 ans.

270 000

C’est le nombre de personnes se déplaçant à pied qui sont tuées chaque année dans des collisions avec des véhicules dans le monde, selon les Nations unies.