Un grand-père, deux de ses fils et un de ses petits-fils ont été épinglés par la police en lien avec une série de livraisons clandestines par drone dans plusieurs prisons et pénitenciers du Québec. Drogue, cellulaire, lames de scie ou d’exacto : depuis des années, la famille Maigar aurait alimenté les détenus en matériel interdit.

L’appel est entré au 911 vers 3 h 30 du matin, le 7 juillet dernier. Un résident de Laval, dans le secteur du parc Bernard-Landry, proche de la rivière des Prairies, essayait de dormir. Mais un bourdonnement incessant l’en empêchait. Quelqu’un faisait un vacarme en faisant voler un drone dans le coin, en pleine nuit.

Arrivés sur place, des patrouilleurs ont trouvé trois hommes dans un véhicule, dont les frères Steven Maigar, 39 ans et Shane Maigar, 44 ans, ainsi que leur neveu, Keven Chouinard-Maigar, 26 ans. Lorsque les policiers ont vérifié l’identité des deux plus vieux dans leur système informatique, l’écran s’est illuminé comme un arbre de Noël, avec la liste de leurs innombrables antécédents criminels.

Les trois suspects ont été arrêtés et accusés d’une série d’infractions liées à la possession de stupéfiants, selon le dossier de cour. La théorie des enquêteurs était qu’ils étaient là pour livrer un chargement de drogue à la prison de Bordeaux, de l’autre côté de la rivière. Le procès n’a pas encore eu lieu à ce jour.

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Steven Maigar lors d’un précédent séjour en prison.

Sept établissements ciblés

L’affaire aurait pu passer pour un évènement isolé. Mais une autre interception d’un drone par des policiers de Sherbrooke, près de la prison Talbot, a attiré encore une fois l’attention vers la famille Maigar.

Le dossier a été confié à la Division des enquêtes et de la coordination sur le crime organisé de la Sûreté du Québec en Montérégie. Jeudi, le corps policier a annoncé l’arrestation de Shane Maigar, Steven Maigar et leur père John Magda Maigar, 75 ans, dans le cadre d’une enquête baptisée Projet Quadrimoteur.

Le trio, basé à Noyan et Saint-Bernard-de-Lacolle, en Montérégie, est accusé d’avoir organisé des livraisons par drone dans les prisons provinciales de Bordeaux, Rivière-des-Prairies, Sorel-Tracy et Sherbrooke, parfois à plusieurs reprises. Ils auraient répété le même manège aux pénitenciers fédéraux Archambault, Sainte-Anne-des-Plaines et Cowansville. Les accusations concernent une douzaine d’évènements, pour l’année 2020, mais l’acte d’accusation précise qu’il est possible que les activités aient commencé aussi tôt qu’en 2016.

La police dit avoir saisi 11 drones, une quarantaine de téléphones cellulaires, plus de 2300 comprimés de drogue de synthèse ou médicaments, 6800 grammes de cannabis, une petite quantité de cocaïne et divers objets interdits en prison, notamment des lames tranchantes. Certains des chefs d’accusation réfèrent d’ailleurs à l’introduction en prison d’une arme qui aurait pu faciliter une évasion.

Pour l’instant, Shane et Steven Maigar demeurent détenus, alors que leur père a été libéré sous caution pour des motifs de santé, dans l’attente de la suite des procédures. L’avocat de Steven Maigar, MMarc-Antoine Rock, a souligné en entrevue avec La Presse que les accusations portées sont inusitées.

« C’est une infraction qui est rare. Je n’ai jamais vu un dossier comme ça dans le passé, vu la fréquence et l’ampleur du projet d’enquête », dit-il. L’avocat n’a pas encore analysé la preuve, mais souligne qu’à sa connaissance, rien n’interdit de faire voler un drone au-dessus d’une prison provinciale, et qu’il en faut donc plus pour justifier des accusations.

Nombreux séjours derrière les barreaux

John Maigar, Shane Maigar et Steven Maigar ont tous fait des séjours derrière les barreaux par le passé. Ils sont bien connus des autorités policières et douanières, tant au Québec qu’aux États-Unis.

En 2007, un agent des services frontaliers américain avait intercepté dans l’État de New York une femme qui conduisait en direction du Canada. Lorsqu’elle avait déclaré qu’elle s’en allait visiter un membre de la famille Maigar, le douanier avait immédiatement demandé à inspecter son véhicule, parce que ce nom était comme un drapeau rouge, révèle le dossier de cour consulté par La Presse. Steven Maigar avait alors bondi hors du coffre arrière et s’était enfui à pied, laissant derrière lui un sac contenant 346 000 $. Il avait été rattrapé et avait écopé de 24 mois de prison aux États-Unis.

En 2009, il avait à nouveau été arrêté par des policiers américains, cette fois pour avoir dirigé un réseau d’exportation de cannabis vers les États-Unis. Il avait écopé de 48 mois de prison.

« Basé sur l’historique criminel de l’accusé, il semble très probable qu’il continue à commettre des crimes dans le futur », avait déclaré Richard Hartunian, le procureur américain chargé de la poursuite.