(Vancouver) Les responsables canadiens et américains impliqués dans l’arrestation de la dirigeante de Huawei, Meng Wanzhou, ont failli, « parfois lamentablement », à leur devoir d’agir honorablement et dans le respect de ses droits, a plaidé mercredi l’un de ses avocats.

Tony Paisana a tenu ces propos au début d’une audience devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique, où les avocats de Meng Wanzhou ont demandé sa libération, car ils jugent que l’inconduite des responsables était flagrante.

Les autorités canadiennes avaient une « préoccupation primordiale » d’apaiser les États-Unis, a-t-il soutenu. À presque chaque occasion, elles ont donné la priorité aux demandes américaines par rapport aux droits de Mme Meng et à leurs obligations envers le tribunal, a-t-il affirmé.

Lorsqu’elles ont été confrontées, elles ont tenté d’expliquer cette conduite comme une erreur ou ont donné des réponses « moins que véridiques », certaines frisant « l’absurde », a déclaré M. Paisana devant le tribunal.

Les avocats du procureur général du Canada rétorquent dans des documents judiciaires que l’allégation d’inconduite n’est étayée que par des spéculations et des insinuations, et non par des preuves.

Mme Meng est la directrice financière de Huawei, l’une des plus grandes entreprises de télécommunications au monde, et la fille de son fondateur, Ren Zhengfei.

Son arrestation à l’aéroport de Vancouver en 2018 à la demande des États-Unis a rompu les relations du Canada avec la Chine.

Les Canadiens Michael Spavor et Michael Kovrig, dont l’arrestation est largement considérée comme des représailles à celle de Mme Meng, auront leur procès vendredi et lundi.

Meng Wanzhou est recherchée aux États-Unis relativement à des accusations de fraude, liées aux sanctions américaines contre l’Iran, qu’elle et l’entreprise Huawei nient.

L’équipe juridique de Mme Meng tente de convaincre le juge qui supervise son dossier d’extradition d’ordonner la suspension des procédures au motif qu’elle a été victime d’un abus de procédure.

Me Paisana a soutenu mercredi que les responsables avaient ignoré l’ordre du tribunal d’arrestation « immédiate » de Mme Meng, abusant plutôt de leurs pouvoirs en l’interrogeant d’abord à l’aéroport.

Il a rejeté l’argument du procureur général du Canada selon lequel la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) étaient dans une « impasse juridique » sur la question de savoir si l’arrestation ou l’examen d’immigration devait avoir lieu en premier.

M. Paisana a mentionné le témoignage de représentants de l’ASFC qui ont dit qu’ils croyaient qu’un examen impliquant des problèmes de sécurité nationale, comme celui de Mme Meng, ne serait pas terminé en un jour et serait inévitablement ajourné.

Les agents savaient également qu’un tel examen serait inutile jusqu’à ce que sa procédure d’extradition soit terminée, ce qui suggère qu’ils recueillaient des preuves à d’autres fins, a-t-il déclaré.

« C’est cela qui offre une preuve puissante des véritables motivations des agents », a-t-il indiqué.

Cependant, le procureur général du Canada déclare dans les documents judiciaires qu’il était « raisonnable » pour l’ASFC de décider que leur processus de douane et d’immigration serait prioritaire.

Ils n’ont reçu aucune directive de la GRC, qui a reconnu qu’ils travaillaient dans le contexte unique d’un point d’entrée. La GRC n’a tiré aucun avantage en reportant l’arrestation, selon la Couronne.

Par ailleurs, Me Paisana a souligné les omissions dans les documents juridiques fournis par les États-Unis au sujet de l’affaire.

Ils ont omis que l’acte d’accusation était scellé, ce qui a induit les autorités canadiennes en erreur en leur faisant croire qu’elle était au courant des accusations portées contre elle et qu’elle était plus susceptible de fuir, a-t-il déclaré.