(Montréal) Alors que de nombreux élèves sont retournés en classe ce lundi, des mères se battent devant le tribunal pour que les enfants québécois puissent avoir accès à temps plein aux cours en ligne en cette période de COVID-19, peu importe leur état de santé.

Ces mères demandent à une juge d’ordonner au ministère de l’Éducation du Québec d’offrir à tous les élèves l’option de suivre leurs cours par internet, de chez eux.

Pour l’instant, la présence physique en classe des élèves est la règle, et seuls ceux qui ont certaines conditions médicales bien précises, ou dont les parents sont à risque, peuvent en être exemptés. Un décret du gouvernement québécois précise qui peut en bénéficier.

Mais en cette période de COVID-19, tous les parents d’enfants du primaire et du secondaire devraient avoir ce choix, font valoir les mères, qui s’inquiètent pour la santé des membres de leur famille. Cette possibilité est d’ailleurs offerte en Ontario.

Leur cause est entendue depuis lundi matin devant la juge Chantal Chatelain de la Cour supérieure.

Ces mères ont mandaté Me Julius Grey, l’avocat constitutionnel bien connu, ainsi que sa collègue Me Vanessa Paliotti, pour attaquer la validité du décret du gouvernement. Leur demande est notamment fondée sur l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui établit le droit à la vie et à la sécurité. Le décret contrevient à cette protection, selon elles.

L’une de ces mères, Politimi Karounis, qui a trois enfants dont deux au primaire, a expliqué qu’elle souhaite que les parents aient, tout simplement, « le choix ».

Il ne s’agit pas d’imposer cette façon de faire à tous, a-t-elle précisé en août lorsque la demande en justice a été déposée. Et il n’est pas non plus demandé de fermer les écoles, a ajouté lundi Me Grey.

Lundi matin, Mme Karounis a expliqué à la juge Chatelain que sa mère l’aide énormément avec ses trois enfants. Sauf que celle-ci est atteinte d’une maladie auto-immune, avec de graves réactions allergiques. Mme Karounis craint que ses enfants ne contractent la COVID-19 à l’école, et ne rendent sa mère très malade. « J’ai peur pour sa santé. »

S’étant fait dire que si ses enfants n’allaient pas en classe la DPJ serait contactée, elle les a retirés de l’école. « Une décision très difficile et triste », dit-elle. Pour eux, depuis septembre, c’est l’école à la maison. « Mais on doit se débrouiller seuls, à l’aveugle et sans aucun soutien (de l’école) », a déclaré Mme Karounis. Elle a engagé des tuteurs pour que ses enfants ne prennent pas trop de retard.

Cette possibilité existe pour elle, mais pas pour tous les parents, puisque beaucoup n’ont pas les moyens ou travaillent à l’extérieur de la maison, avait-elle expliqué dans le passé.

Après le témoignage des mères — certaines par visioconférence et d’autres par déclarations écrites — des témoins experts ont été entendus.

L’un d’eux était le Dr Marty Steven Teltscher, un microbiologiste et spécialiste en maladies infectieuses qui travaille à l’Hôpital général juif de Montréal où il a soigné des patients atteints de COVID-19.

Dans une déclaration sous serment, il qualifie le plan du gouvernement pour la rentrée scolaire d’« inadéquat ».

Les enfants sont des vecteurs significatifs de transmission de virus, a-t-il expliqué.

D’avoir des enfants qui suivent leurs cours en ligne est une bonne chose, juge-t-il. Cela réduit la taille des classes, qui sont alors plus sécuritaires pour ceux qui préfèrent y être en personne. Le risque de transmission est alors moindre, a-t-il expliqué à la juge Chatelain.

Le Procureur général du Québec défend la validité de son décret. Le gouvernement soutient qu’il a le droit de limiter l’exemption à un groupe circonscrit d’enfants, a expliqué à l’extérieur de la salle de Cour l’une de ses avocates, Me Stéphanie Garon. Elle détaillera plus tard ses arguments.

Le gouvernement avait toutefois déjà expliqué publiquement que le milieu de vie de l’école joue un rôle important dans le développement social et psychologique des enfants, que l’enseignement à distance par internet est plus ardu pour les plus jeunes, et que les enfants vulnérables dans des milieux violents sont particulièrement à risque s’ils ne retournent pas à l’école, qui constitue souvent leur filet de protection.

Les mères avaient tenté d’obtenir un jugement de façon urgente, à temps pour la rentrée scolaire de septembre. Mais cela leur avait été refusé : le juge Frédéric Bachand de la Cour supérieure estimait notamment préférable que cette affaire soit débattue au fond, lors d’un procès en bonne et due forme. Celui-ci a justement débuté lundi et se poursuit pendant plusieurs jours, jusqu’au 29 janvier.