L’ancien grand patron de Juste pour rire, Gilbert Rozon, poursuit en diffamation les animatrices Julie Snyder et Pénélope McQuade pour des propos « calomnieux, vexatoires et gravement diffamatoires » tenus lors d’une émission de La semaine des 4 Julie.

« M. Rozon est d’avis qu’à un moment donné, on ne peut pas rester silencieux quand on est persuadé que ce qui est rapporté est faux », a expliqué à La Presse son avocat, MRaymond Doray.

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Julie Snyder

Le 29 septembre, à la barre de son émission diffusée à Noovo, l’animatrice Julie Snyder avait allégué que le producteur déchu l’aurait agressée sexuellement en France, il y a une vingtaine d’années. Son invitée, Pénélope McQuade, a aussi discuté de sa plainte contre Gilbert Rozon pour des gestes de nature sexuelle, qui n’a pas été retenue par le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP).

Le segment télévisuel entre Julie Snyder et Pénélope McQuade était « une attaque planifiée, orchestrée et mise en scène » où les animatrices « s’en sont prises directement à Gilbert Rozon », allègue-t-on dans une poursuite déposée jeudi à la Cour supérieure.

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Pénélope McQuade

M. Rozon, qui réclame 450 000 $ aux deux femmes, nie catégoriquement avoir eu des relations sexuelles avec Julie Snyder. Il allègue plutôt qu’à Paris, où il habitait, l’animatrice « s’est présentée sans avertissement ni invitation chez lui en pleurs parce qu’elle disait venir de rompre une relation avec le chanteur et acteur Patrick Bruel ».

Elle a mentionné avoir besoin de réconfort, ce que M. Rozon lui a offert en la prenant dans ses bras. Elle s’est alors mise à trembler et le demandeur lui a alors proposé de s’étendre sur le canapé du salon, où elle a dormi jusqu’au lendemain.

Extrait de la requête de Gilbert Rozon

Deux témoins étaient présents tout au long du séjour de Mme Snyder et seraient prêts à témoigner « qu’en aucun cas M. Rozon ne s’est approché physiquement de madame Snyder ». La requête affirme aussi que Pénélope McQuade « a injustement et faussement soutenu que Gilbert Rozon l’avait agressée et qu’elle avait réussi à s’en sortir, supputant ainsi que les gestes posés à son endroit étaient sérieux et graves ».

M. Rozon nie avoir touché ou agressé Mme McQuade. Dans la requête, il parle d’un évènement qui se serait déroulé au musée Juste pour rire, alors que l’animatrice se trouvait dans une toilette mixte dont la porte n’était pas verrouillée. « Il [Gilbert Rozon] a alors surpris cette dernière alors qu’elle était penchée sur le lavabo. Étant aussi étonné de sa présence dans la pièce que Mme McQuade de l’y voir entrer, M. Rozon a poussé un cri. Il se souvient très bien que Pénélope McQuade et lui se sont alors tous les deux mis à rire de la situation », indique-t-on.

Alors que le procès criminel de Gilbert Rozon pour viol et attentat à la pudeur à l’égard d’une autre femme commencera la semaine prochaine, MDoray affirme que son client considère « qu’il y a quelque chose de malveillant à vouloir relancer cette histoire à moins de deux semaines d’un procès criminel ».

Snyder dénonce une forme d’intimidation

Jointe par La Presse, Julie Snyder rappelle qu’elle avait dénoncé son agression à la police en 2017. « Gilbert Rozon n’a pas considéré alors qu’il s’agissait d’une atteinte à sa réputation », clame-t-elle.

Tout à coup, à l’aube de son procès pour viol et attentat à la pudeur, Gilbert Rozon poursuit ses gestes d’agression en entamant une poursuite qui est aussi une forme d’intimidation.

Julie Snyder, dans une déclaration transmise à La Presse

L’animatrice dénonce que l’offensive judiciaire vise strictement à la « faire taire ». « S’il fallait expliquer pourquoi je me suis tue pendant des années, la meilleure preuve, c’est cette poursuite », martèle Mme Snyder. « J’ai eu peur de le confronter durant des années. Ma démarche fait partie de mon processus thérapeutique », ajoute-t-elle.

Dans l’entourage de Pénélope McQuade, on indique que cette dernière ne réagira pas tant que l’affaire sera toujours « entre les mains d’avocats ». Toute entrevue sur le sujet sera donc refusée pour le moment, puisque le processus judiciaire est en cours.

Lors de son émission, Julie Snyder avait dit vouloir libérer sa « colère ». « Je voudrais juste dire à Gilbert Rozon que je n’ai pas pu lui dire non, parce que c’est arrivé pendant que je dormais […]. Je ne pouvais pas dire non, puisqu’on ne me l’a pas demandé. »

En ondes, Pénélope McQuade est aussi revenue sur son histoire. « Dans ce que moi j’ai vécu, il ne s’agissait pas d’une agression violente. J’ai donc réussi à m’en sortir, a-t-elle dit. C’est absolument vrai qu’il y a une gravité des gestes, mais il y a un sérieux nombre de choses qu’il faut qu’on change dans la culture, et qui sont inacceptables. »

Avant de déposer la poursuite, Gilbert Rozon avait envoyé une mise en demeure à chacune d’elles leur demandant de se rétracter dans les 48 prochaines heures, ce qu’elles ont refusé de faire. En réponse à la mise en demeure, les procureurs de Mme Snyder ont signalé dans une lettre que La Presse a obtenue que leur cliente « réitère que les faits qu’elle a relatés sont véridiques » et que la démarche de Gilbert Rozon « a toute l’apparence d’une tentative de museler sa victime ».