Le Hells Angel Claude Gauthier, dont le procès pour gangstérisme et complot pour trafic de stupéfiants se poursuit à Montréal, a échoué lundi matin dans sa tentative visant à faire exclure de la preuve des dizaines de conversations dans lesquelles il est impliqué et qui ont été interceptées par les policiers.

Dans une décision détaillée de 25 pages, le juge Claude Leblond, de la Cour du Québec, conclut même « que la réputation d’une organisation criminelle à laquelle appartient une personne peut être prise en considération par un juge autorisateur [qui autorise un mandat] car il ne s’agit pas alors de décider de la culpabilité ou de l’innocence de cette personne ».

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Claude Gauthier, en 2015

Il s’agit d’un second revers en cour pour les Hells Angels en quelques semaines ; au début du mois, la juge Hélène Di Salvo, de la Cour supérieure, a confirmé une décision de première instance voulant que les vestes et les bijoux des Hells Angels pouvaient être confisqués, non pas parce qu’un crime avait été démontré, mais parce que ces biens sont teintés par la criminalité.

Agent turbulent, mais fiable

Au cours de l’enquête Orque à l’issue de laquelle l’Escouade nationale de répression du crime organisé a démantelé un réseau de trafiquants de stupéfiants qui exerçait ses activités notamment dans la région de Saint-Jean-sur-Richelieu, les enquêteurs ont installé une caméra clandestine chez Gauthier à Nicolet, des micros dans ses véhicules et ont écouté ses conversations téléphoniques et celles de ses présumés complices.

La défense, assurée par MMylène Lareau et MAnnie Lahaise, voulait faire exclure ces conversations, notamment parce que les motifs qui avaient permis leur interception contrevenaient, selon elles, à la Charte canadienne des droits et libertés.

Elles arguaient notamment que le policier qui a rédigé les déclarations assermentées au soutien des mandats a tronqué la vérité quant à la fiabilité d’un agent civil d’infiltration (ACI) qui a aidé les enquêteurs et une source citée dans les documents judiciaires. Elles ont aussi avancé que l’ACI a menti aux policiers à plusieurs reprises durant l’enquête.

Mais le juge a souligné que les principales informations de l’ACI et de la source ont été corroborées par les filatures, l’interception des communications et les suivis des balises GPS installées sur les véhicules des suspects effectués par les policiers.

Un coaccusé et membre des Hells Angels déjà condamné dans Orque, Pascal Facchino, s’est rendu à 20 reprises chez Gauthier durant l’enquête.

Les registres téléphoniques indiquent que plusieurs coaccusés ont appelé Gauthier, et celui-ci l’a fait plusieurs fois également.

Le juge a également tenu compte des antécédents en matière de trafic de stupéfiants des personnes qui communiquaient avec Gauthier, ou avec qui ce dernier communiquait, et l’appartenance de certaines à une organisation criminelle.

Durant les débats sur la requête, la défense a fait valoir que le juge qui avait autorisé les mandats ne pouvait se servir de la connaissance judiciaire que les Hells Angels sont une organisation criminelle, car la rencontre avec le policier qui rédige les déclarations sous serment se fait ex parte, c’est-à-dire en l’absence d’autres parties.

La poursuite, représentée par Me Marie-France Drolet et Me Isabelle Poulin, a plaidé que les Hells Angels avaient une réputation en tant qu’organisation criminelle au cœur du trafic de drogue au Québec. Le juge Leblond leur a donné raison.

Il a statué que la source était fiable, que le juge autorisateur avait « un tableau assez réaliste de la malhonnêteté de l’ACI [agent civil d’infiltration] » et qu’il pouvait autoriser les mandats.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.