La mère soupçonnée d’avoir poignardé ses filles de 5 et 11 ans, samedi soir dans le quartier Villeray, à Montréal, était toujours hospitalisée et n’avait pas encore été interrogée par la police dimanche soir. La cadette était toujours dans un état grave, mais stable. La mort de l’aînée a été confirmée peu après le drame, samedi.

Une machine de nettoyage industrielle a été laissée au milieu du salon de l’appartement, situé au rez-de-jardin de la Coopérative d’habitation Rousselot. Les enquêteurs sont partis après avoir passé la scène au peigne fin durant plusieurs heures. Près de 24 heures se sont écoulées depuis le drame, et il n’en reste aucune trace… visible. Pour les dommages psychologiques, c’est autre chose. Les témoins de la tragédie qui s’est jouée rue Rousselot savent déjà qu’ils seront marqués à jamais. Tout comme risquent de l’être les jeunes amis de la victime de 11 ans, qui apprenaient dimanche qu’ils ne la reverraient plus jamais.

« Ça donne la chair de poule juste d’y penser. Une des voisines est entrée dans l’appartement pour essayer de sauver les petites filles », a confié Judith, une voisine qui préfère taire son nom de famille. 

« Ils ont sorti la mère en premier, menottée. Ils ont sorti la plus petite sur une civière. Mais ça a pris du temps avant qu’ils sortent la deuxième. La plus vieille est restée longtemps à l’intérieur, ils lui faisaient le massage cardiaque jusqu’à l’ambulance. Je trouvais que c’était très long avant qu’ils la mettent dans l’ambulance. Je sentais que c’était mauvais signe. »

La coopérative d’habitation comporte trois sections disposées en forme de fer à cheval. Tous les appartements ont une porte-fenêtre qui donne sur la cour intérieure. C’est là qu’est sorti le père des fillettes en criant qu’elles avaient été tuées par leur mère, samedi soir.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Edna Lacroix

Il est sorti en criant qu’elle avait tué ses filles. C’était sur l’heure du souper. Mais je n’ai rien entendu avant. Pas de chicane, rien de ça.

Edna Lacroix, qui habite l’appartement en diagonale de celui où le drame s’est joué

Quelques mètres séparent la demeure de Mme Lacroix de celle du père des victimes. La dame ne croit pas que la mère avait emménagé dans l’appartement pour la période de confinement.

« C’est lui qui habite là, depuis trois ou quatre ans. La mère venait de temps en temps. Je ne sais pas du tout ce qui a pu se passer. Ils avaient une grande différence d’âge. Est-ce qu’elle avait des problèmes ? Je ne sais pas. Lui, c’est un gentil monsieur, on le voyait s’occuper beaucoup de ses filles. Il se promenait avec elles en vélo, les amenait à l’école. »

Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a confirmé qu’il s’agissait des deux parents biologiques des fillettes. Le père a été interrogé, puis relâché.

« La suspecte, une femme de 34 ans, doit être rencontrée par les enquêteurs quand son état de santé va le permettre », a indiqué Raphaël Bergeron, relationniste au SPVM.

Aucun autre détail sur les circonstances du drame n’a été dévoilé par la police.

« C’est la surprise totale »

Martin Harvey habite une section différente de la coopérative depuis peu de temps. Selon lui, le père des fillettes est un homme serviable qui fait du ménage et s’occupe occasionnellement des travaux à effectuer sur le terrain commun.

« Avec la position de mon balcon, je n’ai pas vu, mais le père criait et tous les véhicules d’urgence sont arrivés. Je ne voulais pas que mon fils voie ça, alors je l’ai envoyé dans le bain. Il n’a pas trop eu connaissance de ce qui s’est passé », a-t-il raconté, pendant que son garçon de 8 ans jouait derrière lui sur le terrain de la piscine Joseph-Charbonneau, située en face de la coopérative d’habitation.

Comme bien des parents, Martin Harvey a voulu protéger l’innocence de son enfant devant ce drame inqualifiable. L’aînée, qui a succombé à ses blessures, était en 5e année à l’école primaire Marie-Favery. La nouvelle de son meurtre s’est tranquillement répandue parmi ses camarades de classe et leurs parents, qui étaient sous le choc, a pu constater La Presse.

C’est sûr que ça va toucher ma fille énormément, et le quartier en général. On ne l’a pas dit à nos enfants encore. On essaie de trouver la bonne façon, on attend d’avoir plus d’information.

Une mère qui n’a pas voulu donner son nom pour protéger l’identité de ses enfants, qui étaient amis avec la victime 

Sa famille habite à proximité de l’appartement de la mère des victimes. Le père y habitait aussi avant de déménager rue Rousselot.

« C’est la surprise totale. Je n’aurais jamais pensé ça. Elle était souriante, toujours en train de rire, toujours là pour ses filles. Honnêtement, quand la nouvelle est sortie, on a eu des doutes sur le père. Mais que la mère ait pu faire ça, on ne croit même pas que ça ait pu se passer. On ne comprend vraiment pas », a-t-elle confié.

Elle confirme que le couple s’était séparé il y a quelques années, mais elle ignore comment la garde des enfants était partagée. Elle avait l’impression que les filles étaient souvent chez leur mère, « mais avec l’hiver, puis le confinement, c’est plus dur à dire récemment ».

En temps normal, du soutien psychologique est offert à l’école pour les camarades ébranlés à la suite d’une tragédie semblable. Dimanche soir, la Commission scolaire de Montréal (CSDM) a confirmé à La Presse qu’elle soutiendrait, mais différemment, les élèves qui en ont besoin.

« La CSDM, en partenariat avec le CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal, met en œuvre les moyens nécessaires pour soutenir les élèves et membres du personnel touchés par cette situation, tout en tenant compte des mesures de santé publique actuelles. Ainsi, une équipe d’accompagnement pourra intervenir à distance auprès des personnes qui auraient besoin de soutien psychologique », a précisé le porte-parole Alain Perron.