Un Montréalais qui a exploité sa fille comme un « objet sexuel » pendant une décennie a été condamné à 12 ans de pénitencier, signe d’un durcissement des peines à l’endroit des agresseurs d’enfants. Isolée et extrêmement vulnérable, la victime s’est fait « arracher son enfance, son adolescence et sa vie de jeune adulte » par son bourreau.

« Pendant 10 ans, il a exploité sa propre fille, vulnérable après l’abandon de sa mère, pour sa gratification sexuelle. La victime a été choisie en raison de son sexe. Son père l’a utilisée parce qu’elle était une jeune fille, et il a fait d’elle un objet sexuel », résume la juge Karine Giguère dans sa décision rendue à la mi-septembre au palais de justice de Montréal.

L’ancien brigadier scolaire de 50 ans a plaidé coupable l’an dernier à de multiples accusations d’inceste, de contacts sexuels et d’agressions sexuelles à l’endroit de sa fille, maintenant âgée de 22 ans. Nous ne pouvons identifier le résidant de l’arrondissement de Verdun afin de protéger l’identité de la victime.

« Tu m’as fait sentir comme si je n’étais rien pendant des années, comme si j’étais juste un objet. Je n’avais plus de vie, tu contrôlais tout ce que je faisais », a déjà confié la jeune femme à la cour. C’est seulement en avril 2018 que son calvaire s’est terminé grâce à la courageuse dénonciation de ses frères.

« Elle l’admirait : il en a profité »

Alors qu’elle avait à peine 12 ans, en 2010, la victime dormait tous les soirs avec son père, qui lui imposait des relations sexuelles sans protection de quatre ou cinq fois par semaine. « Il se permettait même d’être jaloux et possessif, contrôlant les allées et venues de sa fille, jusqu’à ce qu’elle se retrouve seule, isolée, sans amis, à sa merci. Il savait qu’elle était entièrement dépendante de lui, et qu’elle l’admirait : il en a profité », tranche la juge.

Ces crimes sont d’une telle gravité, selon la juge, qu’il est « impératif d’imposer une lourde peine » à l’accusé afin de dénoncer les agressions. La juge a ainsi retenu la suggestion du procureur de la Couronne, MPierre-Olivier Bolduc, en imposant au Montréalais une peine de 12 ans et 3 mois de détention, tout près de la peine maximum de 14 ans. Pas question donc d’imposer la peine minimale de 5 ans, comme le demandait la défense.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Le procureur de la Couronne MPierre-Olivier Bolduc au palais de justice de Montréal

Une récente décision majeure de la Cour suprême – l’arrêt Friesen – a eu pour effet de durcir considérablement les peines imposées dans les dossiers de crimes sexuels envers les enfants. Cet arrêt donne maintenant « priorité aux facteurs de dénonciation et de dissuasion » dans l’imposition de la peine.

« [Les enfants] méritent de vivre une enfance à l’abri de la violence sexuelle. Les délinquants qui se livrent à de la violence sexuelle contre des enfants privent des milliers d’enfants canadiens d’une telle enfance chaque année », soutient la juge, en citant le plus haut tribunal du pays.